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Diable d’homme

araki

Le 25 septembre 2006, des inconnus ont lancé des cocktails Molotov sur la façade du Musée de la photographie, à Charleroi. Une grande affiche qui présente l’exposition du photographe japonais Araki a été abîmée. Elle représente une Japonaise nue, le sexe caché de plumes, les bras gantés et les jambes gainées de bas noirs. Cette affiche était la cause de l’agression.

araki
Photo: Araki

Cet acte de violence fait penser au Tartuffe, un personnage hypocrite du théâtre de Molière, au 17e siècle. Tartuffe se présente comme très moral. Dans la pièce, il dit à une servante qui a trop large décolleté : " Cachez ce sein que je ne saurais voir ". Mais il n’hésite pas à harceler sexuellement la femme de son bienfaiteur. Y aurait-il encore des Tartuffes aujourd’hui? L’affiche artistique d’une femme nue choque plus que les photographies d’enfants atrocement mutilés par des mines anti-personnelles présentées par le Musée. Et que les violences réelles faites aux hommes et aux femmes de notre monde. Nous vivons une époque formidable…

Un personnage

L’exposition Araki célèbre les quarante ans de carrière de Nobuyoshi Araki. Né en 1940, Araki est le photographe vivant le plus connu au Japon. Il est très connu dans son pays pour son apparence et pour son franc-parler. Il est très controversé à cause de ses photos qui traitent de façon directe des tabous comme le sexe et la mort. En 1970, par exemple, il fait scandale avec une série d’images de sexes féminins en gros plan.

En 1971, il publie un journal intime photographique de son voyage de noces. Pour Araki, la photographie est " l’obscénité par excellence, un acte d’amour furtif, une histoire, un roman à la première personne ". Il dit : " mes photos c’est mon journal, un point c’est tout. Et toute photo n’est rien d’autre que la représentation d’un jour unique. Et ce jour unique contient à la fois le passé et la projection de l’avenir. (… ) C’est finalement l’appareil photo qui me sert de mémoire". Les sujets préférés d’Araki : des portraits, des paysages urbains, des fleurs, des nus érotiques et des comptes rendus détaillés de sa propre vie.

A la vie, à la mort

L’exposition présentée au Musée de la Photographie s’appelle " A la vie, à la mort ". Elle offre une vue d’ensemble de la carrière d’Araki, avec 4 000 images, du début des années 1960 à aujourd’hui. Pour Araki, la photographie a commencé comme un journal visuel. Araki photographie " presque autant qu’il ne respire ". "La photographie est la vie.", dit-il. Mais cette vie qu’il photographie coule sans s’arrêter… Et c’est la mort qui est au bout. Si le sexe est très présent dans les photos d’Araki, la mort elle aussi est partout. Le plus émouvant est la série de photos sur la maladie de sa femme. Elle mourra d’un cancer, à 42 ans, en janvier 1990. Le genre de photos qu’on n’oublie pas. "Prendre des photos endort la douleur. Quand elle est morte, il n’y avait rien d’autre à faire pour moi, sinon photographier." Et la photographie est aussi une tentative de retenir cette vie qui s’en va. Mais " on ne peut pas ficeler les âmes. Elles sont intouchables", dit Araki. Est-ce pour cela qu’il entoure les corps de liens?

Lydia Magnoni

 

Musée de la Photographie
Avenue Paul Pastur 11
6032 MONT-SUR-MARCHIENNE
071/43 58 10
Jusqu’au 14 janvier 2007
www.museephoto.be
Le Musée est ouvert du mardi au dimanche, de 10h à 18h (fermé les lundis, 25/12 et 1/1)

5 réponses

  1. C’est grave quand même. On se moque du puritanisme américain alors que dans notre pays, le puritanisme est en train de gagner. Je ne vois pas en quoi cette image est choquante, elle célèbre la beauté de la femme. J’ai vraiment l’impression que notre société est en train de devenir petit à petit une didacture morale.
    Au fait, j’ai vu que cette affiche a été remplacée par une autre photo d’Araki où on voit une femme ligotée mais habillée. Curieusement, personne ne se plaint. Oh, une femme ligotée c’est pas grave, mais une femme nue alors là, tous les prudes de la planète montent au créneau.

  2. Suite de mon avis…

    En fait, l’histoire est un éternel retour. Baudelaire en son temps aussi avait attiré les foudres du public à cause de ses poèmes sulfureux. Et aujourd »hui, il est considéré comme un classique. Araki, Baudelaire contemporain ? Le combat est le même, la liberté de l’expression contre les tenants des Bonnes Valeurs Morales, des gens épris de liberté contre les censeurs.

  3. La liberté d’expression est un droit reconnu en notre communauté européenne.

    Cela choque certains de voir une photographie d’une femme nue !

    Il y a bien d’autres choses qui me choquent tous les jours !

    Les aggressions verbales et physiques, les vols, les viols, les assassinats et meurtres, les délits de fuite, les conduites dangeureuses, les magouilles de certains politiciens,les femmes battues, les alcolos au volant, les délinquants et pédophiles en liberté,…

    S’il y a aujourd’hui un retour vers une certaine  » morale  » , c’est sans doute parce qu’ont disparu certaines règles de la  » bonne » vie en communauté !
    Politesse, savoir-vivre, fair-play, sens social, respect,…

    Quant à la photo de la belle japonaise, je la préfère de loin aux publicités style Cofidis, Carrefour, Pepsodent, Orangina, … qui pullulent le long de nos routes !! A chacun ses …goûts !

  4. Massacrer l’affiche, c’est d’autant plus fort qu’à moins de 2 kilomètres du musée dans le centre de Charleroi, il y a des prostituées sur les trottoirs et en vitrine!!!!

    Sinon, pour moi qui aime le Japon, j’ai adoré cette exposition qui m’a permis d’en apprendre plus sur ce photographe que je croyais beaucoup plus pornographe! A voir!!!

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