Le Belge d’origine turque Bahar Kimyongür a été acquitté mercredi dernier par le tribunal d’Anvers. Il avait d’abord été condamné pour appartenance à une organisation terroriste. Mais la Cour de cassation a cassé ce jugement. Cette histoire judiciaire montre combien il est délicat pour un Etat de droit d’appliquer des lois d’exception au nom de la lutte antiterroriste.
Suite à l’acquittement de Bahar Kimyongür, le ministre turc des Affaires étrangères a déclaré : « De tels jugements encouragent sans aucun doute les organisations terroristes. » Et le ministre belge des Affaires étrangères, Karel De Gucht, lui a répondu samedi : « Des déclarations selon lesquelles la justice belge aiderait le terrorisme sont totalement inacceptables. » Karel De Gucht a aussi rappelé que « le pouvoir judiciaire en Belgique est indépendant, que l’on soit d’accord ou non avec un jugement ». Heureusement. Car avant le jugement d’Anvers, on pouvait se poser la question.
Suite aux attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, de nombreux Etats et l’Union européenne ont pris un certain nombre de lois et de mesures anti-terroristes.
Le mouvement d’extrême gauche turc, le DHKP-C figure sur les listes d’organisations terroristes de la Turquie et de l’Union européenne. Le DHKP-C a bien commisdu verbe commettre, c'est faire quelque chose contre la loi: voler, tuer,... des attentats en Turquie. Mais tout n’est pas toujours clair dans ce qui lui est reproché. On sait que la Turquie va parfois un peu vite pour traiter de terroristes, les militantspersonnes qui s'engagent et qui agissent pour défendre une idée, une cause. opposés au régime. Il y a des sympathisants du DHKP-C qui ne font pas d’actions violentes et n’approuvent pas les attentats.
En février 2006, le tribunal de 1ère instance de Bruges déclare 9 personnes proches du DHKP-C coupables. M. Kimyongür est condamné à 4 ans de prison mais est laissé en liberté. Il fait appel contre cette décision avec les autres condamnés. M.Kimyongür est d’origine turque et a la nationalité belge. La Belgique ne peut pas extraderlivrer à un Etat une personne qui est poursuivie par la justice dans cet Etat un de ses citoyens. Et à l’époque, la justice n’avertit même pas M. Kimyongür que la Turquie a lancé contre lui un mandat d’arrêt international. Pour « régler le problème », une réunion secrète est organisée avec le ministère de la Justice, le Parquet fédéral, la police,… . Bahar Kimyongür doit aller aux Pays-Bas On donne des informations à ce pays pour qu’il soit arrêté et extradé vers la Turquie.
En avril 2006, M. Kimyongür est, en effet, arrêté aux Pays-Bas. Mais la justice néerlandaise le relâche : elle n’a aucun élément contre lui. En novembre 2006, la Cour d’appel de Gand condamne à nouveau M. Kimyongür comme membre du DHKP-C. En avril 2007, la Cour de Cassation casse le jugement. Pour la Cour, le jugement a eu lieu dans des conditions qui ne respectent pas l’état de droit. Les procédures qui ont amené aux condamnations étaient des procédures spéciales prévues par la lutte anti-terroriste. Ces procédures exceptionnelles sont d’ailleurs dénoncées par des associations de défense des Droits de l’homme. Finalement, la semaine dernière, M. Kimyongür a été acquitté avec 4 autres accusés par le Tribunal d’Anvers. Car depuis le début, beaucoup de choses n’étaient pas claires. La justice n’a jamais su prouver aucun délit commis par M. Kimyongür. Sa condamnation était basée sur un simple délit d’appartenance à une organisation supposée terroriste. La réunion secrète des autorités belges pour, semble-t-il, faire arrêter M. Kimyongür aux Pays-Bas est plus que troublante.
Finalement, la justice a rétabli l’Etat de droit. Et M. De Gucht a réaffirmé que le pouvoir judiciaire est indépendant. Ouf !