Plus de deux mois après les élections, les discussions pour former un nouveau blocage sont bloquées. Ca coince entre partis flamands et partis francophones. En cause? Les partis flamands veulent régionaliser beaucoup plus le pays. Les partis francophones ne le veulent pas.
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La Belgique va-t-elle connaître la crise politique la plus grave de son histoire? Une fois de plus, les partis francophones, d’une part, et les partis flamands, d’autre part, ont une vision très différente du futur du pays. Et depuis ce vendredi 17 août, le blocage est total. Les négociations pour former un nouveau gouvernement sont arrêtées. Le Roi a maintenu Yves Leterme dans sa mission de formateur. Albert II lui a demandé d’aller rediscuter avec les présidents de chaque parti pour essayer simplement de renouer le dialogue. Mais cela sera-t-il possible?
On savait, avant même les élections législatives du mois de juin, qu’il serait très difficile de former un nouveau gouvernement. Pourquoi? Parce que du côté flamand, plusieurs responsables politiques annonçaient qu’ils voulaient donner encore beaucoup plus de pouvoirs aux régions du pays.
Beaucoup de responsables politiques flamands qui veulent régionaliser le pays viennent du CD&V-NVA. Le CD&V-NVA, c’est le parti social-chrétien (CD&VChristen-Democratisch en Vlaams. En français: Chrétiens-démocrates et flamands. Pour le dire simplement, c'est à l'origine la famille sociale-chrétienne, comme le CDH côté francophone.). Il s’est associé à un mouvement flamingant très dur, le NVASigle de la Nieuw-Vlaamse Alliantie. On prend la première lettre de chaque mot. En français: Nouvelle Alliance flamande.. Le CD&V est redevenu le premier parti de Flandre, comme tous les sondages le prédisaient. Cette victoire, il la doit aussi au NVA.
Côté francophone, tous les partis avaient répété qu’ils ne voulaient pas plus de régionalisation, au moins pour le moment. On pouvait donc prévoir des difficultés pour former un gouvernement. Mais ce qui se passe depuis que Yves Leterme est formateur dépasse tout ce qui était attendu.
Des partis très divisés
De plus en-dehors du problème communautaire, les partis qui négocient n’ont pas grand-chose en commun, des deux côtés de la frontière linguistique. Ainsi, côté francophone, le CDHCentre démocrate humaniste, anciennement Parti social chrétien (PSC) de Joëlle Milquet et le MRMouvement Réformateur de Didier Reynders n’ont pas les mêmes idées sociales, économiques. C’est la même chose côté flamand entre le CD&V et le VLD (libéral). De plus, avant, les partis chrétien, libéral et socialiste du nord et du sud du pays avaient souvent les mêmes idées et défendaient des programmes qui étaient très proches. Cela facilitait les discussions. Aujourd’hui, ce n’est plus du tout le cas. Il n’y a par exemple vraiment plus grand-chose en commun entre le CDH et le CD&V. Voilà qui a déjà bien compliqué les négociations pour la formation d’une coalitionalliance temporaire entre plusieurs personnes, groupes ou partis pour faire quelque chose ensemble entre les sociaux-chrétiens et les libéraux. Une coalition « orange – bleue ».
Le 10 juin, les socialistes ont perdu beaucoup de voix aux élections : grosse défaite pour les socialistes flamands et recul pour les socialistes francophones. On n’imagine donc pas que les socialistes reviennent au pouvoir. Même si maintenant, avec le blocage, certains commencent à penser qu’une solution est peut-être d’amener aussi les « rouges » à la table des négociations. Mais on n’en est pas encore là.
Des exigences flamandes plus fortes que prévu
Si on ne voit pas comment sortir de la crise, c’est parce que les partis flamands, et en particulier le CD&V-NVA, demandent beaucoup plus de choses que ce qu’on attendait. Cette fois, les Flamands veulent régionaliser des parties de la Sécurité sociale, de la politique de la santé, de l’emploi et du travail, et bien d’autres choses encore (permis de conduire, immatriculation des voitures, …). Les partis francophones, ensemble, disent que c’est une folie.
De plus, pour certains points, il faut changer la constitution. Et, pour cela, il faut deux tiers des voix des parlementaires francophones et flamands. A eux seuls, côté francophone, les sociaux-chrétiens et les libéraux n’ont pas cette majorité des deux tiers. Cela veut dire qu’il faut négocier aussi pour que, au moment du vote de ces points, l’opposition socialiste apporte son appui. Dur, dur.
Enfin, on se pose de plus en plus de questions sur le formateur Yves Leterme. C’est lui qui a refait de son parti, le CD&V, le premier parti de Flandre. Et il a obtenu plus de 800 000 voix de préférence : un record. Donc, il était inévitable que le Roi désigne Yves Leterme comme formateur, et donc futur Premier ministre. Mais, avant comme après les élections, certaines déclarations de Leterme sur les Wallons sont apparues comme très flamingantes ou, au moins, comme de grosses gaffes pour quelqu’un qui pourrait représenter la Belgique, donc tous ses citoyens. En plus, Yves Leterme paraît très brouillon. Et, dans les négociations, il défend avant tout les exigences flamandes. Il est probablement coincé par l’alliance de son parti avec le NVA. Mais, du coup, Leterme n’a ni l’image, ni l’esprit de quelqu’un qui, nommé Premier ministre, doit malgré tout se situer au-dessus des partis et des oppositions nord-sud.
Marc Vandermeir