La semaine dernière, le Pape était en Turquie. Pour un voyage à haut risque et sous haute surveillance. Cette visite était très délicate d’un point de vue diplomatique. De plus, on avait peur de manifestations contre la visite du pape. Chacun a su jouer de la diplomatie et utiliser la symbolique pour éviter les critiques.
Photo: Belga
«Saint-Père, ne confondez pas les quinze dernières années avec les quinze siècles de notre histoire commune.» Ce sont les paroles que Mustapha Cherif, un philosophe algérien, adressait à Benoît XVI lors de sa visite au Vatican. Aucun pape n’avait jusqu’ici rencontré un intellectuel musulman en privé pour parler de l’Islam. Il faut dire que cette rencontre a eu lieu peu de temps après le discours du Pape à Ratisbonne. En septembre dernier, Benoît XVI était en visite en Bavière, une province d’Allemagne. A Ratisbonne, le Pape avait parlé du prophète Mahomet, de la violence liée à l’Islam et de la guerre sainte (djihad)! Il avait surtout cité un empereur byzantin du 14e siècle qui accusait le prophète Mahomet de n’avoir apporté «que des choses mauvaises et inhumaines, comme le droit de défendre par l’épée la foi qu’il prêchait». Ces propos avaient choqué les musulmans.
Diplomatiquement vôtre
Suite à ces déclarations du Pape, la Turquie avait remis en cause la visite du Pape prévue en novembre. Mais cette visite n’était pas importante seulement d’un point de vue religieux. Elle l’était aussi d’un point de vue politique. La Turquie est candidate à l’Union européenne. Mais cette adhésion ne va pas sans mal. On reproche à la Turquie de ne pas toujours respecter les Droits de l’Homme et de ne pas reconnaître sa responsabilité dans le génocide des Arméniens. La Turquie avait donc avantage à bien accueillir le Pape. Et c’est ce qui s’est fait. Il y a eu peu de manifestations, un service de sécurité mieux encore que pour la visite de Georges Bush en 2004, et un accueil chaleureux par le premier ministre Tyyip Erdogan. De son côté, le Vatican a profité de cette rencontre avec les responsables turcs pour défendre l’entrée de la Turquie au sein de l’Union européenne. Il a parlé de la Turquie comme d’une «charnière entre l’Europe et l’Asie.» Même si le Vatican a déclaré, par la suite, qu’il n’avait pas le pouvoir d’intervenir sur ce sujet…
SymbolePersonne ou chose qui représente bien un sentiment, une idée, qui sert d'exemple fort
Un des grands moments de la visite a été la prière du Pape à la Mosquée bleue d’Istanbul, aux côtés du grand mufti d’Istanbul, Mustapha Cagrici. Ce geste de Benoît XVI est symbolique. Le Pape enlève, comme il se doit, ses chaussures pour entrer dans la mosquée. Il pose sa main sur le livre de prières musulmanes. Il prie en compagnie du mufti en se tournant vers La Mecque. En priant ensemble, ces deux hommes se sont trouvés dans un moment d’histoire. Ils ont peut-être même fait avancer la « fraternité de l’humanité. »
Le pape a-t-il rattrapé son dérapage de Ratisbonne ? Peut-être, et si oui tant mieux ! Car avant, au Maghreb et ailleurs, catholiques, musulmans et juifs ont vécu ensemble sans trop de problèmes. Et dans notre époque moderne, il est dommage que les avancées de la science, du progrès et de la raison n’éliminent pas toujours les violences religieuses.
Nicolas Simon