vendredi 29 mars 2024

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Violences dans les camps au Liban

Dimanche 3 juin, au Sud du Liban, des islamistes et des militaires se sont affrontés à l’entrée d’un camp de réfugiés palestiniens. Et depuis 15 jours, il y a des affrontements dans un camp du Nord du pays. Il y a eu des attentats dans le pays. Les 400 000 Palestiniens qui vivent dans les camps de réfugiés au Liban semblent payer le prix de cette crise.

Dimanche 3 juin, il y a eu des affrontements dans un camp palestinien du Liban. Cette fois, c’est dans le sud du pays près de la ville de Saïda. Il s’agit du camp palestinien d’Aïn Héloué. Un membre d’un groupe islamiste, Jound Al-Cham, a jeté une grenade sur un poste de l’armée libanaise. Après cet attentat, des tirs ont été échangés. L’armée libanaise a renforcé sa présence à l’entrée du camp. 45 000 Palestiniens vivent dans le camp d’Aïn Héloué. C’est le plus peuplé des camps libanais. La violence s’étend donc au Liban.

Des milices violentes

Depuis 15 jours, il y a des combats au Nord du pays dans le camp de Nahr Al-Bared, près de la ville libanaise de Tripoli et de la frontière syrienne. Dans le camp de Nahr Al-Bared, c’est le Fatah Al-Islam qui a commencé les violences. Le Fatah Al-Islam est apparu en novembre 2006. Le Fatah Al-Islam est une milice composée surtout de non-Palestiniens. Les membres sont saoudiens, syriens, libanais, pakistanais. C’est une milice armée et violente. Le Fatah Al-Islam est un mouvement islamiste. Il veut un retour à l’islam des origines. Il veut lutter contre les Américains et la politique de Bush en Irak. Le Fatah Al-Islam fait des attentats, surtout pour déstabiliser le Premier ministre libanais, Fouad Siniora et le président Mahmoud Abbas en Palestine. Le Fatah Al-Islam considère en effet que le gouvernement libanais et l’autorité palestinienne sont des alliés des Etats-Unis. Les camps de réfugiés palestiniens sont des lieux «ghettos». Les mouvements extrémistes et les services plus ou moins secrets étrangers peuvent donc plus facilement qu’ailleurs avoir de l’influence et déclencher des violences.

Vie dans les camps

Les camps de réfugiés palestiniens existent au Liban depuis 1948, 1949. Ils ont été créés près des grandes villes du Liban. Ils ont accueilli des Palestiniens qui fuyaient les territoires palestiniens occupés par Israël. A l’époque, les autorités libanaises voyaient l’arrivée de ces Palestiniens d’un bon œil. C’était une population sans droits, donc prête à travailler au noir. Cela tombait bien puisqu’au Liban, il y avait un début d’organisation des travailleurs. Les Palestiniens étaient une main-d’œuvre bon marché et docile.

Les camps de réfugiés étaient provisoires mais ils ont duré. Soixante ans plus tard, les Palestiniens vivent dans ces camps. On en est souvent à la 3e génération de Palestiniens.

Le Liban a une population de 3,5 millions d’habitants. Les Palestiniens sont environ 400 000. Leurs conditions de vie ne sont pas faciles. Ils sont très à l’écart de la société libanaise. Ils ne peuvent pas avoir la nationalité libanaise. Sous prétexte de droit au retour, on ne leur donne pas de droits dans la société. Des dizaines de professions sont interdites aux Palestiniens du Liban. Les jeunes n’ont pas le droit de fréquenter des écoles et des universités publiques. Les jeunes Palestiniens de ces camps qui veulent faire des études ou qui ont eu la chance d’en faire quittent les camps et partent loin.

Lieux d’influences et de violences

Ce sont des organisations historiques palestiniennes – l’OLP et surtout le Fatah de Yasser Arafat- qui gèrent les camps et organisent la vie de la population. Puisque les camps sont des quartiers « à part », ils sont devenus de véritables «Etats dans l’Etat libanais». D’ailleurs, depuis les accords du Caire de 1969, l’armée libanaise garde les camps palestiniens mais elle ne peut pas y pénétrer. Depuis des années, les Palestiniens vivent sous tension dans ces camps. Depuis 25 ans, le pouvoir syrien aide les organisations palestiniennes opposées à l’OLP et au Fatah. Et depuis la fin de la guerre civile du Liban en 1990, des réseaux religieux ont profité de la situation dans les camps où il n’y a plus d’autorité réelle. Il y a une certaine islamisation des camps palestiniens.

Peu à peu, les camps sont devenus le point de rencontre de tous les problèmes de la région : conflits entre Israël et territoires palestiniens, plus récemment guerre d’Irak. Les camps de réfugiés palestiniens du Nord du Liban étaient contrôlés par le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) de Georges Habbache. Depuis la mort de Habbache et la disparition du FPLP, les camps du Nord ne sont plus gérés. Ce n’est donc pas un hasard si le Fatah al-Islam est apparu dans le camp du Nord de Nahr Al-Bared. De même, au Sud, c’est dans les camps près de Saïda que les extrémistes sunnites ont le plus d’influence dans les camps. Et c’est dans un camp de Saïda, à Aïn Héloué, qu’il y a maintenant d’autres violences.

Le seul point positif pour l’instant, c’est que les 4 principales communautés libanaises (les Sunnites, les Chiites du Hezbollah, les Chrétiens maronites et les Druzes) ont condamné les violences des islamistes dans les camps palestiniens. L’OLP et le Fatah, organisations palestiniennes, ont aussi condamné ces violences. Mais les violences continuent. Et des milliers de Palestiniens fuient les camps. D’autres ne peuvent s’enfuir et sont comme pris en otage  par des groupes qui mènent une guerre qui ne concerne pas les Palestiniens. Et le Liban n’est pas sorti de la crise. Le Conseil de Sécurité vient d’accepter la création d’un tribunal international pour enquêter sur la mort de l’ancien Premier ministre Hariri, assassiné en 2005. Cette enquête ne plaît pas à tout le monde. Et il y a surtout les élections présidentielles cette année au Liban. Beaucoup de groupes politiques ont donc intérêt à déstabiliser le pays.

Thierry Verhoeven

 

Une réponse

  1. Une précision: le camp qui sur la carte apparaît avec le nom Aïn El-Houlwah est, dans l’article, le camp Aïn Héloué. Il s’agit d’une différence d’écriture selon que l’on respecte ou non la prononciation ou l’écriture d’origine.

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