Moi, François, ancien « chômeur actif »

François Lebeau, ancien chômeur engagé
 Cahiers >  Entre misère et colère Le 12 décembre 2015 | Mise en ligne : Lydia Magnoni
|  1 messages

En Belgique, beaucoup de chômeurs sont pauvres et ont des conditions vie difficiles. Certains se battent pour défendre leurs droits. C'est le cas de François. Dans cet article, François témoigne de sa vie de chômeur et de son engagement à la fin des années 90.


J’ai été au chômage pendant plusieurs années à la fin des années 90. Pour essayer de trouver un emploi, j’ai suivi une formation à Charleroi. A l’époque, dans l’actualité, on a parlé plusieurs fois des visites au domicile de chômeurs et certains chômeurs avaient été sanctionnés. Je me souviens d’une femme chez qui l’inspecteur de l’ONEm ONEm abréviation de l’Office national de l’Emploi avait trouvé dans la garde-robe des vêtements d’homme. Cette femme avait effectivement un homme dans sa vie mais il ne partageait pas le même logement. Pourtant, l’inspecteur a fait un rapport et elle a été sanctionnée. Elle était « assommée » par cette décision ; et elle n’a pas réagi à temps pour protester. Elle a donc dû rembourser une partie des indemnités qu’elle avait touchées.

Souvenirs

Dans le centre de formation, on a alors créé un groupe de défense des chômeurs avec les syndicats. On s’est appelé « Chômeurs actifs » pour montrer qu’on voulait se défendre, qu’on n’avait pas seulement des devoirs mais des droits. On a fait un cahier de revendications pour que les visites au domicile des chômeurs soient supprimées. Je me souviens qu’on avait regardé un reportage de l’émission de la RTBf Strip-tease qui montrait une inspectrice de l’ONEm qui jouait au flic. Elle se cachait près du domicile des chômeurs pour les surveiller. Elle essayait de savoir leur consommation d’électricité et d’eau. Elle posait des questions aux voisins, etc. Elle disait d’ailleurs qu’elle se sentait « comme une espionne ». Quelques années plus tard, elle a donné une interview dans un journal. Elle avait démissionné de l’ONEm après une longue dépression et elle dénonçait dans son interview les pressions de la direction de l’ONEm pour que les inspecteurs trouvent des fraudes.

Actions

Avec « Chômeurs actifs », on a fait des manifestations, on a occupé l’ONEm, on a invité des représentants politiques. Je me souviens que le député Ecolo Ecolo en Belgique, le parti des écologistes francophones Thierry Detienne avait fait des propositions en notre faveur. On a aussi invité Laurette Onkelinx qui était ministre de l’emploi. On avait des contacts avec d’autres groupes de défense des chômeurs. Il y avait « Chômeur pas chien » à Liège, « Droits devant » à La Louvière, un groupe à Bruxelles. On avait aussi des contacts avec la Ligue des Droits de l’homme qui dénonçait aussi les visites de l’ONEm. Il y a même eu un film qui a été diffusé sur Arte et qui s’appelle d’ailleurs « Chômeur pas chien ». Dans toutes ces actions, on discutait entre chômeuses et chômeurs de notre situation, de notre formation, de notre vie. On parlait aussi de l’évolution de la société, de l’avenir. C’était chouette.

La loi a changé

En 1999 puis en 2000, la loi a changé. Les inspecteurs de l’ONEm ne pouvaient plus se présenter à l’improviste improviste sans prévenir, de façon inattendue . Quand l’inspecteur soupçonnait le chômeur de fraude à la situation familiale, il l’appelait pour une audition. C’est-à-dire que le chômeur pouvait apporter les preuves de sa bonne foi. Le chômeur pouvait aussi se faire assister par un avocat, un délégué syndical ou une autre personne. Si l’inspecteur n’était pas convaincu, il demandait au chômeur s’il pouvait faire une visite au domicile.

Si le chômeur acceptait, deux inspecteurs visitaient le domicile, deux pour éviter les abus. Ils pouvaient visiter mais ne pas fouiller. Ils faisaient ensuite un procès-verbal que le chômeur signait après l’avoir lu. Si le chômeur ne voulait pas de visite à domicile, l’inspecteur devait faire un dossier pour motiver la visite et c’est un juge d’instruction qui donnait ou non l’autorisation de visite. On avait gagné.

Retour en arrière

Depuis 2000, les différents gouvernements ont ajouté de nouvelles obligations aux chômeurs.
Ils doivent apporter de plus en plus de preuves qu’ils cherchent un emploi, qu’ils se forment, etc. Mais on le disait déjà fin des années 90 : il n’y a pas assez d’emplois pour tous. C’est ça le problème. Et ça décourage les gens. Ils se résignent et n’ont plus d’énergie. C’est difficile d’être au chômage pendant plusieurs années. C’est pas gai et on n’a pas beaucoup d’argent. Je sais ce que c’est. Maintenant, j’ai un travail, je conduis un camion de l’ICDI. C’est une société de collecte de déchets. Et je suis engagé dans un contrat à durée indéterminée. Malheureusement, les jeunes qu’on engage aujourd’hui ont souvent un contrat de maximum 3 ans.
Malgré ça, le nouveau gouvernement n’arrête pas d’ennuyer les chômeurs avec de nouveaux règlements. C’est un retour en arrière. Et je ne sais pas si aujourd’hui, il y aura des mouvements de chômeurs pour protester comme il y en a eu dans les années 90…

Le groupe « Chômeurs actifs » existe toujours, voyez sa page Facebook

DVD du film Chômeur pas chien, renseignements sur Dérives

Critique du film

Un extrait du film


Vos commentaires

  • khourcha Khadija

    Le 19 mai 2016 à 07:18

    Bonjour,
    Oui il y a encore des groupes de chômeurs et de chômeuses qui se battent pour leurs droits. Malheureusement beaucoup sont découragés et ne croient plus au changement.

    Répondre à ce message

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