mercredi 16 octobre 2024

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Cahier de doléances avant… la révolution?

Téléchargez en bas de cet article une animation pédagogoique pour alimenter le débat avec des stagiaires en formation

 

Lors d’Etats généraux, il y a le convenu de ce genre de manifestations: discours obligés, invité politique venu écouter les questions et essayer d’y répondre… Mais il y a aussi, lors d’Etats généraux, des doléances, des protestations ! Et Dieu sait qu’ils peuvent en avoir les centres de formation pour demandeurs d’emploi. Soumis aux tracasseries administratives comme leurs stagiaires, aux incertitudes du financement, au carrousel que risque d’être le transfert de compétences du gouvernement fédéral vers le gouvernement régional… Aux Etats généraux, CAIPS a aussi donné la parole aux stagiaires en formation. Donner la parole pour écouter les doléances et les protestations de leur public, les principaux concernés.

Avancer sur un fil

Les stagiaires en formation à la FUNOC ont introduit le débat. Ils ont dit la difficulté de mener sa vie, de garder l’équilibre entre la formation, la recherche d’un emploi alors qu’il n’y en a pas pour tout le monde, se loger, se nourrir décemment, éduquer les enfants. Bref, ils ont décrit cet état d’être toujours sur un fil, d’avancer et d’éviter la chute.
Et d’énumérer alors les pièges : il faut toujours être actif pour se former, chercher de l’emploi tout en subissant les perpétuelles évaluations de l’ONEm pour toutes et tous. Dès que l’on sort de l’école, on est en stage d’insertion : évaluation ! Après le stage, on reçoit des allocations d’insertion : évaluation ! Et il y a mieux encore. Etre actif et bien évalué ne suffit pas. Si l’on est cohabitant, on est exclu des allocations d’insertion après 3 ans de toute façon. Même si on a eu une super activation et une super évaluation. La guillotine aux allocations entre en action le 1er janvier 2015. Et pour ceux qui ne sont pas cohabitants ? Dans la charrette des exclusions aussi ! Mais pas avant l’âge de 33 ans et après 3 ans d’allocations d’insertion.
Celles et ceux qui touchent leurs allocations sur base du travail : évaluation ! Et pour les bénéficiaires du CPAS soumis à l’obligation de s’intégrer socialement et professionnellement : évaluation ! Personne n’y échappe ! Et le gendarme veille. Pas assez actif, Madame, Monsieur ? Sanction ! Diminution ou suppression définitive des allocations de chômage. Activation et évaluation sont les deux mamelles de l’intégration socio-professionnelle ! Fin de la présentation.

Place au débat

Place au débat. Enfin,… Euh…, un moment de silence. Les autres stagiaires ? Assommés sans doute par un tel tableau.
Et puis l’un d’entre eux dit: « On se laisse manipuler comme des marionnettes, j’ai compris depuis longtemps… Les plus petits ne sont pas pris en compte. On est des déchets. » Il dit cela presque calmement. Un ton qui tranche avec la violence du propos. Un autre : « L’Europe nous entasse, elle nous demande de faire ceci et de faire cela ; on va être un pays qui sera écrabouillé ; je vais aller en Chine pour travailler… ».
Et puis un problème concret, une stagiaire : « je vais être exclue en 2015. Je « gratte » tous les mois. Et je dois mettre mes enfants en stage, ça coûte cher. Il n’y a pas assez de garderie, de crèche, … » Et encore un problème concret : : « J’attends un logement social, cela fait des plombes que j’attends ; je vis chez ma mère, …à 41 ans ! »
Ces stagiaires avancent bien sur un fil de plus en plus tendu, ils risquent de chuter. Ils s’accrochent pourtant : ils suivent une formation. Malgré tout. Et malgré qu’ils ne se font pas d’illusion. L’un : « J’ai fait 4 formations et à quoi ça sert ? Personne n’aide, on va jamais avancer. C’est pas la formation, c’est pas le PTP qui vont nous faire avancer. » L’autre : « Il y a plus d’avenir. On sort de l’école, on dit qu’on n’a pas d’expérience, c’est une chaîne sans fin. ». C’est du foutage de gueule. » ; « A 60 ans, on va encore t’obliger à suivre des formations. » Encore : « J’ai 45 ans ; le patron me dit que je coûte trop cher. » ; Et pour celles et ceux qui doutent encore de la dignité, de la volonté des demandeurs d’emploi : « On préfère avoir du boulot que de toucher, j’aime bien d’aller en formation mais je préfère trouver du boulot » ; « Si on me donne une place, je vais travailler. » ; « Ce sont les travailleurs qui paient les chômeurs, je l’ai souvent dans la gueule. Mais, je n’en peux rien moi !» Tout ça, les stagiaires le disent dans le calme, avec une écoute attentive des autres.

Parcours ou labyrinthe

Lucides donc les stagiaires. Comme quand ils énoncent les problèmes qui les empêchent d’avancer dans leur parcours, ce fameux parcours d’insertion socio-professionnelle :
« Il faut absolument un permis de conduire pour avoir un emploi. Ca coûte cher, il y a des centres qui le font pour les chômeurs dans certaines régions mais pas partout. » ;
« Voilà, on n’est pas toujours informé » ; « la formation pas assez payée. Pourquoi devoir payer un impôt sur l’euro de l’heure? » ; « les aides à l’emploi ne sont pas suffisantes et sont mal orientées. Pourquoi ne pas accorder aussi des aides, des « plus » à ceux qui viennent d’arriver au chômage ? » ; « il faut mieux soutenir les familles monoparentales. Il faut plus de garderies. Il faut faciliter l’apprentissage des langues. » ; « il faut peut-être donner moins d’aides aux patrons mais sur une plus longue période. » Mais les problèmes concrets, leurs problèmes « d’ici et maintenant » n’empêchent pas les stagiaires de penser aux jeunes: « Avant d’être au chômage, on est à l’école. Dans l’enseignement faut faire des efforts, quelles qualifications ? Il faut une qualification qui réponde à l’emploi. Et quel investissement des jeunes dans la formation ? » ; « Si on laisse les jeunes à la rue, ils font les cons. » ; « C’est honteux, dégueulasse de supprimer les allocations d’insertion aux jeunes. »

Révolution ?

Revient la révolte… Les stagiaires le savent : il n’y a pas assez de boulot pour tous : « J’ai été refusé par peut-être une centaine de patrons. » ; « Les patrons en profitent, ce sont des ripoux .» Et de citer Arcelor-Mittal… Un stagiaire tempère : « Les patrons, y’en a qui profitent et y’en a qui ne profitent pas.» N’empêche la révolte quand même. Une stagiaire dit calmement : « Révolution !» ; Une autre tout aussi calmement : « c’est fini les révolutions comme il y a cent ans. … »
Voilà, les propos de ces 50 stagiaires en formation, décidés à avancer, avec parfois des doutes, avec parfois une certaine résignation, avec de la rébellion aussi. Et il ne faut pas oublier les Etats généraux d’il y a plus de 200 ans. En 1789, en France… Pour ces Etats généraux, on avait récolté les protestations de ce que l’on appelait le petit peuple. Et au grand étonnement de tous, de tout ça est sorti une révolution.

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