Face aux réactions, Catherine Deneuve a expliqué pourquoi elle avait signé cette tribune. Elle précise d’abord «Rien dans le texte ne prétend que le harcèlementpression que l'on exerce sur quelqu'un a du bon, sinon, je ne l’aurais pas signée.»
Et elle ajoute : « Oui, j’aime la liberté. Je n’aime pas cette caractéristique de notre époque où chacun se sent le droit de juger, d’arbitrer, de condamner. Une époque où de simples dénonciations sur réseaux sociaux engendrent punition, démission, et parfois et souvent lynchage médiatique. Un acteur peut être effacé numériquement d’un film, le directeur d’une grande institution new-yorkaise peut être amené à démissionner pour des mains aux fesses mises il y a trente ans sans autre forme de procès. Je n’excuse rien. Je ne tranche pas sur la culpabilité de ces hommes car je ne suis pas qualifiée pour. Et peu le sont.
Non, je n’aime pas ces effets de meute, trop communs aujourd’hui. D’où mes réserves, dès le mois d’octobre sur ce hashtag« mot-dièse », en français. Un mot (ou une suite de mots) précédé du signe dièse (#). Utilisé sur les réseaux sociaux, le hashtag est cliquable et permet donc de voir apparaître les autres messages postés sur le même thème. « Balance ton porc ».
«Il y a, je ne suis pas candide, bien plus d’hommes qui sont sujets à ces comportements que de femmes. Mais en quoi ce hashtag n’est-il pas une invitation à la délation ? Qui peut m’assurer qu’il n’y aura pas de manipulation ou de coup bas ? Qu’il n’y aura pas de suicides d’innocents ? Nous devons vivre ensemble, sans « porcs », ni « salopes », et j’ai, je le confesse, trouvé ce texte « Nous défendons une liberté… » vigoureux, à défaut de le trouver parfaitement juste. »
Une affaire française
Beaucoup de commentateurs ont souligné que cette tribune ne pouvait être que française. En effet, la culture et la littérature française sont marquées par le libertinage, la galanterie et la liberté sexuelle.
La chroniqueuse québécoise Sophie Durocher dans son blog du Journal de Montréal, confirme, elle aussi qu’une telle tribune ne pourrait pas être publiée à Montréal. Elle s’oppose aussi au mouvement #MeToo :
« Moi aussi, je suis tannée que l’on traite les femmes d’éternelles victimes, de pauvres petites choses sous l’emprise de phallocrates démons.
Moi aussi, j’en ai marre que l’on démonise le désir masculin.
Moi aussi, j’en ai marre qu’on mette une main sur le genou sur le même plan qu’un viol avec pénétration.
Moi aussi, je m’affole que l’on fasse sur la place publique le procès d’hommes qui n’ont pas de droit de réplique ni de présomption d’innocence.
Moi non plus, je ne me reconnais pas dans ce féminisme qui perçoit tous les hommes comme des agresseurs potentiels.”
Le débat sur le sujet est animé, et même parfois violent. Puisqu’il faut bien conclure, laissons le mot de la fin à l’actrice Hilde Van Mieghem du mouvement #MeToo en Belgique: « Il faut effectivement faire attention à ce que le débat ne dérape pas, on ne peut pas tout mettre dans le même sac. » Et elle ajoute : «Aux USA, la réaction a été très prude, constate-t-elle. Séduire y est devenu inadmissible. » Les cent femmes signataires de la tribune ont sans doute peur de cette dérive vers un puritanisme à l’américaine.