En Mai 68, Daniel Cohn-Bendit est le dirigeant le plus connu du mouvement étudiant. En 2018, à 73 ans, il dit avoir assez parlé de Mai 68. Et quand il est invité à la télé, il parle toujours de politique et de société, mais pas de Mai 68. Encore que…
Cohn-Bendit aime beaucoup le football et il vient de publier Sous les crampons… la plage. Il reprend ainsi une partie du sloganphrase courte et frappante pour défendre une idée, une opinion. le plus célèbre de Mai 68 : Sous les pavés, la plage ! Il n’a donc pas tout à fait abandonné Mai 68. Et c’est dans une interview sur la radio France Culture qu’il revient sur Mai 68. Nous avons repris une partie de ce qu’il a dit.
Mai 68 et l’écologie
Daniel Cohn-Bendit :« Aujourd’hui, on n’arrête pas de se gargariserparler de manière prétentieuse et avec grand plaisir d'un sujet avec les 50 ans de Mai 68, mais il faut quand même dire qu’il y a 50 ans, la question du respect de l’environnement, ça n’existait pas dans la tête des gens. Moi-même, à l’époque j’étais pour le nucléaire civil ! Aujourd’hui le niveau de réflexion sur ces sujets est beaucoup plus élevé. »
Mai 68 n’est pas une révolutionchangement véritable et profond
Daniel Cohn-Bendit : «Mai 68 est la démonstration que la révolution n’existe plus. Mai 68 c’est une révolte contre l’autoritarisme à tous les niveaux : l’autorité de la famille, l’autorité à l’école, l’autorité dans les entreprises, et pas simplement des étudiants. C’était une émancipation collective des individus contre une conceptionmanière particulière de penser quelque chose; par exemple, un concept juridique est une manière de penser la justice. de l’organisation de la société.»
Mai 68 et l’autogestion
Daniel Cohn-Bendit : «Cette révolte contre l’autorité a fissuré la société de l’époque. Mais ceux qui croyaient que c’était une répétition générale pour une révolution à venir, c’était d’une bêtise incroyable. Parce que les révoltes font évoluer la société et permettent des réformes. Cela dit, je trouve le débat sur Mai 68 très pauvre. J’aimerais bien confronter Emmanuel Macron à l’idée de l’autogestion par exemple.»
Nous devons expliquer ici ce qu’est l’autogestion. En quelques mots, l’autogestion, c’est quand les gens gèrent ensemble les affaires qui les concernent. Chacun a son mot à dire sur les décisions à prendre pour le bien du collectif et de la société en général. L’autogestion, c’est quand les individus ont plus de pouvoirs et aussi plus de responsabilités, c’est plus démocratie. Par exemple, des salariés rachètent leur entreprise au patron et la gèrent ensemble.
Mai 68 et la jeunesse d’aujourd’hui
Daniel Cohn-Bendit : «Une partie de la France conservatrice est toujours contre 68. Franchement, un jeune môme de banlieueterritoire autour du centre d'une ville qui refuse l’autorité de son prof dans son lycée, vous croyez que c’est la faute de Cohn-Bendit et de 68 ?»
De Mai 68 à Vive l’Europe !
Daniel Cohn-Bendit : «Il faut préserver l’émotion liée à l’existentiel de l’Europe. Qu’est-ce que cela veut dire ? L’existentiel c’est comment voulons-nous vivre, qu’est-ce qui va nous permettre de rendre possible ce dont nous rêvons ? Et l’Europe est cet espace qui nous permet de rêver tandis que l’espace national est l’espace qui nous angoisse, parce qu’on est de plus en plus petits. L’Europe nous dépasse, et par conséquent nous rend plus grands, plus capables d’affronter des choses de plus en plus dangereuses, et en même temps d’ouvrir des possibles.»
Foot de gauche et foot de droite
Daniel Cohn-Bendit : «Je crois qu’il y a un football de gauche et un football de droite. Le football de gauche dit « on gagne en marquant plus de buts ». Le football de droite, c’est dire « on gagne si on n’encaisse pas de but ».»
Cela veut dire que la gauche politique, c’est prendre des risques pour faire avancer toute la société, c’est jouer à fond le jeu de la démocratie. C’est dire: on ne se replie pas sur soi, on garde l’enthousiasme.
« De l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace! », disait Danton, un dirigeant de la Révolution française de 1789. De l’audace? Daniel Cohn-Bendit, dirigeant de la révolte de Mai 68, n’en manque pas.
Les 45 minutes d’interview de Daniel Cohn-Bendit sur France Culture, le 23 avril 2018. C’est un peu compliqué à suivre, c’est pour cela que nous avons mis par écrit des extraits de cette interview.