Au début du film, une vieille dame d’une famille aisée meurt d’une crise cardiaque dans son château du Sud-Ouest, au milieu d’une magnifique propriété vinicole, un peu délabrée. Elle y vivait avec son fils aîné, Milou, Adèle, sa gouvernante et Léonce, l’homme à tout faire. Milou est un doux-rêveur de soixante ans. Il s’occupe vaguement de la propriété. Il appelle la famille pour l’enterrement.
La société de 68, en miniature
On voit donc arriver au château, plusieurs membres de la famille: le frère de Milou, Georges, journaliste au Monde et Lily, sa compagne anglaise. La nièce Claire, qui cache son homosexualité, avec son amie. Camille, la fille de Milou, bourgeoise un peu coincée, avec son mari et ses 3 enfants. Puis Pierre-Alain, le neveu révolutionnaire qui participe aux manifestations à Paris, avec un camionneur, qui erre avec sa cargaison de tomates car les Halles sont en grève.
Enfin, un peu plus tard, les notables du coin, en panique totale.
Tous ces personnages ont leur avis sur les événements qui agitent Paris et le pays tout entier. Un avis qui dépend de leur sensibilité et de leur place dans la société.
Le quotidien en 68
Car depuis deux semaines, Paris est à feudécédé et ici "feu" veut dire "n'existe plus", "feu votre firme" veut dire votre firme n'existe plus et à sang… Le reste du pays est secoué et presque à l’arrêt. Même en province, il y a des manifestants qui bloquent les rues en chantant l’Internationale et en distribuant des tracts. Les gens paniquent et font des stocks. La France est paralysée par les grèves. Il est difficile de téléphoner, de trouver de la nourriture, de trouver de l’essence… Il y a des coupures d’électricité et même l’enterrement doit être reporté car les croque-morts sont en grève.
De ces événements de Paris, la radio amène le bruit lointain: le discours de De Gaulle, sa disparition pendant quelques jours, Cohn Bendit interdit de séjour…
On y voit aussi une société traditionnelle qui découvre les débuts de la pilule la libération sexuelle, et l’écologie.
Un vent de folie et de panique
On voit aussi un vent de folie qui traverse la société tout entière. Un rêve d’amour libre, de vie en communauté et de retour à la terre. A un moment, Milou cite Voltaire: « J’ai décidé d’être heureux parce que c’est bon pour la santé »
On voit aussi la panique qui mène à des comportements absurdes « Et l’essence ? Il n’y en a pas, les gens ont vidé les pompes. Et Mallavan, l’épicier, vous vous rendez compte? Il en a rempli sa baignoire »
On voit aussi la peur de perdre ses privilèges et le délire des patrons et du peuple de droite.« si ça se trouve en ce moment, il y a déjà des milliers de morts »
Ce délire pousse la famille à quitter son château en plein nuit, par peur des manifestants.
Peuple de droite, peuple de gauche
Quelques dialogues montrent bien la fracture et l’incompréhension entre peuple de droite et peuple de gauche à l’époque.
Le peuple de droite
«Regarde-les qui font les malins. Toutes les occasions sont bonnes pour se la couler douce »
« Les magasins ferment les uns après les autres, à Bordeaux. Tout ça à cause de quelques petits cons de la Sorbonne. Des enfants gâtés. »
« Si ça se trouve, c’est la révolutionchangement véritable et profond qui l’a tué, elle qui avait horreur du désordre.. »
« Il suffirait d’un peu de poigne et tout serait terminé depuis longtemps. Personne en France ne veut d’une révolution»
Le peuple de gauche
dialogue entre Milou et le curé
«Vous avez vu, ils ont organisé un hôpital à la Sorbonne. Les étudiants en médecine. Ca marche au quart de poil paraît-il.»
«Pour le moment, on n’a pas encore beaucoup vu Dieu sur les barricades, monsieur le curé»
«Parce qu’on ne sait pas regarder, monsieur Vieuzac.»
une envolée du neveu révolutionnaire
« Mais c’est ça qui est bien justement, le fait qu’ils ne réclament rien. (…)Ils disent qu’ils en on assez du fric assez du profit, assez du pouvoir des pays riches, assez d’épuiser la terre. (…) Et ils disent : arrêtons-nous, ça ne mène à rien, c’est absurde… C’est comme une grande fête. Ce qui compte, c’est que les gens soient ensemble pour une fois.»
Laissons le mot de la fin à la question naïve que pose à Milou Françoise, sa petite-fille.
«Papy, ça dure longtemps une révolution?»
Aujourd’hui, on est tenté de lui répondre: «Au moins 50 ans.»