vendredi 26 avril 2024

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Grève ou prise d’otage ?

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Chaque fois qu’il y a une grève, c’est pareil. Les médias montrent les piquets de grève qui empêchent les travailleurs qui ne sont pas en grève d’aller travailler. Les médias font parler ces travailleurs qui défendent leur « droit au travail » face au « droit de grève ». Les médias montrent aussi les quais de gare et de bus déserts. Ils font parler les navetteurs, pas contents parce qu’ils sont bloqués par la grève. Ces navetteurs disent qu’ils sont pris en otage par les grévistes. Les médias font parler aussi de braves citoyens qui disent que la grève ne change rien, que la grève ne sert à rien. Le droit au travail Les travailleurs en grève empêchent-ils les autres de travailler ? Ils empêchent surtout d’autres travailleurs d’être soumis, ce jour-là, au patron. Car beaucoup de travailleurs n’osent pas se déclarer en grève. Parce qu’ils sont intérimaires. Parce qu’ils sont en contrat à durée déterminée. Parce qu’ils sont déjà « mal vus » par le chef. Au 19e siècle, les travailleurs n’étaient pas organisés, il n’y avait pas de syndicat. Les ouvriers travaillaient 12 heures par jour pour un salaire de misère. Ils n’avaient pas le choix. Petit à petit, les travailleurs se sont organisés. Ils ont refusé des conditions de travail inhumaines. Ils ont réclamé de nouveaux droits. Ce que l’on appelle le droit de grève est un de ces droits-là. Et le droit au travail, alors ? On ne peut pas mettre à égalité droit de grève et droit au travail. Le droit de grève est un droit gagné par les luttes. Il est porté par le mouvement ouvrier. Il s’exerce ensemble. C’est la volonté d’un collectif organisé en syndicats. Le droit au travail n’est pas vraiment un droit : il y a, en Belgique, des centaines de milliers de personnes qui n’ont pas ce droit puisqu’ils sont au chômage. Le droit au travail est un faux droit individuel. Ce sont les patrons qui insistent le plus sur le respect du droit au travail. Le droit au travail n’est pas vraiment volontaire. Rappelons le principe du contrat de travail. Le travailleur loue au patron sa force de travail, physique et intellectuelle, et il est soumis à l’autorité de ce patron. Individuellement, donc, le travailleur n’est pas libre. L’usager otage Les travailleurs en grève prennent les usagers en otage. C’est ce qu’on entend souvent à la télé, les soirs de grève. La personne qui doit prendre le bus, le train ou l’avion est bloquée. L’employé devra rattraper le retard dans son travail, le lendemain. L’intérimaire qui ne peut aller au travail va se faire mal voir par le patron. Et pire encore, le chômeur ne peut pas aller en formation et l’enfant n’aura pas école ! C’est un scandale ! Ce sont les plus faibles de notre société qui sont touchés par la grève. Le scandale de la grève serait que « la grève gêne ceux qu’elle ne concerne pas » (1), les « petites gens ». La grève ne gêne pas directement les patrons et les ministres. C’est simple à comprendre. Et bien non, ce n’est pas si simple ! D’abord, la grève gêne les patrons. Ils n’aiment pas que leurs travailleurs échappent à leur autorité, ne serait-ce qu’un jour. D’ailleurs, pour la grève générale du 15 décembre, les patrons ont lancé un compte facebook qui s’appelle « Moi, le 15 décembre, je travaillerai. » Ensuite, la grève gêne les ministres. Ils n’aiment pas que la population manifeste son mécontentement. Les responsables politiques aiment les citoyens au moment des élections. Les citoyens vont voter dans un isoloir. Ils sont alors des individus, isolés, seuls, pour choisir un parti ou un responsable politique. Les citoyens peuvent se laisser impressionner par les affiches, par la communication, par les promesses des femmes et des hommes politiques. Mais dans notre société, les citoyens ne sont pas toujours isolés. Ils s’expriment aussi collectivement en dehors des élections. Mais pour les ministres, c’est un désordre social qui menace leur mission et leur poste. Enfin, ce que la grève montre, c’est qu’il n’y a pas, d’un côté, les mauvais grévistes, et de l’autre côté, les bons usagers. Ce que la grève montre c’est qu’il y a, d’un côté, les dominés, et de l’autre côté, les dominants. En effet, il y a, d’un côté, ceux qui n’ont que leur force de travail pour vivre et, de l’autre côté, ceux qui les dirigent. La grève montre la solidarité entre dominés. Et cela, les dominants, les patrons et les dirigeants n’en veulent pas. La grève inutile Une autre bonne raison de ne pas faire grève serait que la grève ne sert à rien. A cela on peut répondre par une phrase syndicale, simple mais juste : « Quand on se bat, on n’est pas sûr de gagner mais quand on ne se bat pas, on est sûr d’avoir déjà perdu. » On peut répondre aussi que si on ne se bat pas, si on ne résiste pas, le gouvernement et les patrons demanderont toujours plus de sacrifices aux travailleurs. Puisqu’ils se diront que finalement les gens acceptent les sacrifices. Et puis, protester, manifester, faire grève quand on n’est pas d’accord, c’est une dignité de l’homme. C’est une des grandes différences entre l’homme et l’animal. Une philosophe française, spécialiste des rapports entre les hommes et les animaux, l’écrit : « Les grands singes ne sont pas capables de faire la révolution ! »(2) Autrement dit les animaux, même très intelligents, ne peuvent pas changer leur organisation, leur société. Nous, tous ensemble, on peut changer la nôtre. (1) La phrase est de Roland Barthes, un spécialiste qui a étudié les signes dans notre vie sociale et ce qu’ils veulent dire. Voir son texte très intéressant mais très compliqué: L’usager de la grève (2) Elisabeth de Fontenay, elle a écrit, entre autres, Le silence des bêtes (Fayard, 1998) [Lire ici->http://www.lefigaro.fr/livres/2014/10/23/03005-20141023ARTFIG00033-elisabeth-de-fontenay-les-singes-ne-peuvent-pas-faire-la-revolution.php ] une interview d’Elizabeth de Fontenay

L’exercice

exergreveotagel.doc

Et sa correction bien sûr

correcgreveotagel.doc

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