Bertrand Henne est un journaliste à la radio de la RTBF. Il fait une chronique tous les matins sur l’actualité politique, il en a fait une sur le parachutage en politique. Un ancien système qui continue à se faire parce que ça marche. Nous vous faisons le résumé de sa chronique. Elle date du 28 août 2024, l’affaire Julie Taton n’est pas fencore terminée. dessous, vous pouvez voir la vidéo et le texte complet de la chronique.
Le parachutage en politique, c’est l’arrivée sur des listes électorales de candidats venus d’ailleurs. Ce sont des personnalités connues comme l’animatrice Julie Taton ou la responsable politique Christine Moreale. Elles sont connues mais ne sont pas originaires de la ville où elles se présentent. Le parti va les chercher parce qu’elles attirent l’attention pour faire des voix.
Un bon parachutage est un parachutage bien préparé, nous dit Bertrand Henne. Les futurs candidats doivent rencontrer les habitants, créer des réseaux, se faire connaitre et serrer des mains comme on dit. Quand c’est fait à la dernière minute, c’est plus compliqué de se faire accepter par les habitants et même parfois par les membres du parti.
Pour que ça marche, il faut aussi respecter la loi. La loi dit qu’un candidat qui se présente sur des listes locales doit avoir sa résidence principale dans la commune où il se présente. Rien que l’intention de s’y installer ne suffit pas, il faut y habiter réellement.
C’est le problème de Julie Taton. Elle habite à Lasne dans le Brabant Wallon. Elle aimerait être candidate aux élections communales à Mons dans le Hainaut. Selon la loi, elle doit y résider officiellement, mais elle s’y est prise trop tard. Elle s’est domiciliée à Mons, mais lors du passage de la police, elle n’était pas là. La police a donc donné un avis négatif à sa domiciliation. Le ministère de l’Intérieur a alors refusé de l’inscrire sur les listes à Mons.
Georges-Louis Bouchez, le président du MRMouvement Réformateur n’accepte pas cette décision. Il a déposé un recoursfaire un recours, c'est faire appel à une institution (justice, ministère,...) contre une décision officielle qu'on pense injuste. au ministère de l’Intérieur et en attendant la suite ou sans attendre la suite, le président du MR a décidé qu’elle resterait inscrite sur les listes électorales. Pour lui, elle et son parti sont victimes de sabotage de la part des adversaires politiques, et surtout du PSParti socialiste .
Vidéo de la chronique
Voir la vidéo ici
Texte complet de la chronique
Le parachutisme reste un sport dangereux par Bertrand Henne
L’arrivée de l’ex-animatrice Julie Taton sur les listes communales à Mons le démontre une nouvelle fois. Nouvelles têtes et vieilles pratiques.
Toujours à la mode
Le parachutage politique, c’est cette arrivée très opportuniste d’un candidat bénéficiant d’une certaine notoriété dans une commune quelques semaines, ou mois, avant les élections. Il a souvent mauvaise réputation, associé à de la particratie, à de l’électoralisme, à un carriérisme archaïque, il reste pourtant très utilisé. Rien que pour cette élection, on a deux cas emblématiques : Julie Taton qui quitte Lasne pour Mons pour le MR et Christie Morreale qui quitte Esneux pour Liège pour le PS.
Et si le parachutage reste utilisé, c’est pour une raison simple : souvent, il fonctionne. Après l’opération débarquement, le politique prend pied dans la commune, s’y implante, parfois à la grande satisfaction des électrices et des électeurs.
Évidemment, on a tendance à beaucoup plus parler des parachutages ratés. Il y en a eu quelques-uns mémorables dans l’histoire politique. Laurette Onkelinx qui quitte Liège pour Schaerbeek en 2001 ou, à la même époque, celui de Marie Arena transférée par le PS de Chimay à Binche, sans succès.
Une bonne préparation
Le secret du bon parachutage, c’est la préparation. Les anciens qui ont sauté sur Kolwezi vous le diront. Pour éviter de se vautrer, mieux vaut bien connaître le terrain, avoir des réseaux, connaître la sociologie de la commune. Pour ne pas apparaître comme un occupant en territoire étranger, mieux vaut prendre le temps de nouer des contacts avec la population locale, labourer le terrain quelques mois. Ainsi, plus le parachutage est tardif et géographiquement éloigné, plus il est dangereux. Un parachutage d’une commune de la même province, voire voisine, est généralement beaucoup plus simple.
Un autre détail à son importance, il faut aussi respecter la loi. C’est sur ce point que Julie Taton est en difficulté. Pour pouvoir se présenter aux élections communales, il faut être inscrit au registre national dans la commune et y avoir sa résidence principale, au plus tard le 1er août, date à laquelle est arrêtée la liste des électeurs.
Attention ! Pour qu’une résidence soit considérée comme “principale” selon le ministère de l’Intérieur : « la seule intention manifestée par une personne de fixer sa résidence principale dans un lieu donné n’est pas suffisante. Il faut aussi y résider effectivement« . Sans quoi la domiciliation sera considérée comme fictive. C’est pour cette raison qu’une enquête est réalisée par un policier. Il doit vérifier que le logement est occupé, qu’il convient à la taille de la famille, etc.
Mais dans ce parachutage, Julie Taton s’y est prise très tard. Le 14 juillet, elle dit occuper un petit studio appartenant à son président de parti. La police, lors de son passage quelques jours plus tard, n’a pas reçu de réponse de l’intéressée, absente, et n’a donc pas pu vérifier sa résidence effective. La date du 1er août est passée, c’est raté.
Victime du système
Georges-Louis Bouchez a malgré tout présenté hier ses listes à Mons, avec Julie Taton. Car le parti a déposé un recours au ministère de l’Intérieur et espère bien qu’il aboutisse. En pleine négociation d’un gouvernement, l’administration est donc sous grande pression.
En attendant, fidèle à sa posture de seul contre tous, le président du MR laisse entendre, sans preuve, que le refus de domiciliation relèverait de motivation politique (ses adversaires socialistes évidemment). Il se dit aussi choqué qu’on remette en cause la sincérité de l’engagement de Julie Taton pour Mons. Même s’il faut être bien naïftrop simple, trop naturel, qui découvre des choses évidentes pour ne pas observer que cette flamme s’est opportunément déclarée, dans la précipitation, après son bon score aux législatives.
Dans un retournement assez classique désormais, Georges-Louis Bouchez ose tout. Y compris transformer Julie Taton en victime du système. Si elle ne peut au bout du compte se présenter à cette élection, le récit médiatique est déjà écrit. Il va dérouler une séquence de victimisation et occuper le terrain médiatique. La victimisation, c’est l’opium du peuple au 21e siècle.
Lire aussi l’article Les lapins blancs en polititique