jeudi 25 avril 2024

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Violences de l’armée dans un pays inconnu





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On parle peu de la Birmanie. Très peu. Il faut dire que ce pays de l’Asie du Sud-est n’est pas un partenaire économique très important pour les Occidentaux. Et puis, ce pays est sous dictature militaire depuis 1962. Même dans un pays démocratique, l’armée n’est pas transparente dans son fonctionnement. Alors dans un régime autoritaire dirigé par l’armée, on ne peut pas s’attendre à avoir beaucoup d’informations. Mais depuis une semaine, on parle beaucoup de la Birmanie.


Photo: Belga

Depuis le 19 août, les Birmans manifestent contre l’augmentation des prix de produits de base. Ces manifestations rappellent celles de 1988. Mais les temps ont changé. En 1988, le général Ne Win était encore au pouvoir. Ne Win avait fait un coup d’Etat militaire en 1962. Il a créé le Parti du Programme Socialiste de Birmanie. Il déclare créer une voie socialiste originale pour la Birmanie. Sur le plan économique, il nationalise même le petit commerce. Sur le plan politique, il ne veut aucune opposition. Il mène avec violence une lutte contre les communistes birmans et les minorités ethniques du pays. La politique de Ne Win est un échec. Fin des années 1980, son pouvoir est de plus en plus contesté. Et Ne Win est même renversé par des… militaires en 1988. Car l’armée birmane joue un rôle très important depuis l’indépendance en 1948. Suite au coup d’Etat de 1988, les Birmans manifestent. Le nouveau pouvoir militaire réprime très violemment les manifestations. Il y a 3000 morts.

C’est à ce moment-là que l’opposition démocratique au pouvoir se regroupe derrière Aung San Suu Kyi. Aung San Suu Kyi est la fille d’un héros de l’indépendance birmane, le général Aung San. Son parti, la Ligue nationale pour la démocratie est la principale force politique de Birmanie. Mais il n’a aucune liberté politique. Les dirigeants de ce parti sont emprisonnés ou interdits d’activité politique. En 2007, les Birmans vivent sous une dictature militaire.

Aujourd’hui

Depuis août 2007, il y a de grandes manifestations dans plusieurs villes du pays comme Rangoun ou Mandalay. Et depuis une semaine, le pouvoir militaire réagit violemment: des arrestations, des matraquages et même plusieurs morts. Mais en 20 ans, les temps ont changé. Les manifestations de 1988 étaient très politiques. Les Birmans manifestaient pour la démocratie. Ces dernières semaines, les Birmans manifestent contre la vie chère. Au mois d’août, le prix de certains carburants a été multiplié par 5, le prix des transports en commun par 2. Le riz et les œufs ont fort augmenté. C’est donc d’abord pour « survivre » que les Birmans manifestent.

Les Birmans ont gardé en mémoire les morts de 1988. Aujourd’hui, ils manifestent  avec prudence. Ils manifestent en suivant les moines bouddhistes, les bonzes. Ils ont confié leurs difficultés de vie aux moines. Les bonzes sont donc les porte-parole non-violents du mécontentement populaire. Les moines jouent un rôle social et religieux très important en Birmanie. Ils sont environ 500 000. Comme beaucoup de familles sont pauvres, devenir bonze veut dire aussi être instruit et être nourri. Les moines bouddhistes sont un symbole religieux très important en Birmanie. Plus de 85 % des Birmans sont bouddhistes.

Le pouvoir militaire, lui-même, appuie son pouvoir sur le bouddhisme. Le pouvoir militaire a donc hésité avant d’utiliser la force. Mais depuis la semaine dernière, le pouvoir a choisi la violence pour ramener le calme. Des moines ont été matraqués et arrêtés. Il y a même plusieurs morts, peut-être des centaines.

L’information est contrôlée : le téléphone et Internet sont coupés. Face à ces violences, la communauté internationale a réagi.

Demain

Les Etats-Unis ont appelé tous les pays à utiliser des moyens économiques et politiques pour que les Birmans retrouvent la liberté. Le président français Sarkozy appelle aussi aux sanctions économiques contre la Birmanie. Mais on sait que cela n’est pas suffisant. La Birmanie est un des pays les plus corrompus de la planète. Les sanctions peuvent être détournées et même servir l’armée au pouvoir. Par contre, la Russie a déclaré la semaine dernière que les violences en Birmanie étaient une « affaire interne ». On pense qu’une solution politique doit aussi passer par les pays de la région. Car les principaux partenaires économiques de la Birmanie sont surtout: la Thaïlande, l’Inde, le Japon et la Chine. Ces pays ont d’ailleurs réagi en appelant le pouvoir militaire birman à la modération.

C’est surtout la Chine qui peut jouer un rôle très important dans une solution politique en Birmanie. Pour son développement économique et sa sécurité, la Chine a besoin de la Birmanie. Elle s’est opposée aux sanctions contre la Birmanie. Mais elle ne peut plus soutenir le régime militaire birman comme avant.

La Chine est entrée dans la mondialisation. Et elle organise les Jeux Olympiques à Pékin en 2008. La Chine ne peut donc pas apparaître comme l’allié d’un régime coupable d’un bain de sang.

Reste que le problème est très compliqué. L’armée est incontournable en Birmanie. Elle est au pouvoir depuis 1962. Certains militaires birmans doivent certainement se rendre compte que le mieux serait de négocier une solution politique. Une transition vers un régime démocratique. Mais lesquels? Sur qui faire pression ? La Birmanie n’est pas seulement un des pays les plus pauvres du monde. Ses dirigeants, tous des militaires, sont aussi les plus secrets.

Thierry Verhoeven

Quand parle-t-on de la Birmanie?

Le Triangle d’Or

Il y a quelques années, le Triangle d’Or faisait encore parfois l’actualité. Le Triangle d’Or, c’est ainsi que les Occidentaux appelle la région où l’opium est produit. Le Triangle d’Or couvre une région aux frontières de la Birmanie, de la Thaïlande et du Laos. Dans les années 1970 et 1980, on produisait beaucoup d’opium dans le Triangle d’Or. L’opium devient, après transformation, de l’héroïne. La drogue est, encore aujourd’hui, une grande source de trafic, de revenus et de corruption. Mais aujourd’hui, selon les chiffres officiels, le Triangle d’Or ne produit plus que 5% de l’opium mondial. C’est maintenant la région de l’Afghanistan qui produit plus de 90% de l’opium mondial.

Total

Depuis 1992, Total a investi en Birmanie. Total y exploite un champ de gaz (pour les centrales électriques de Thaïlande, pays voisin). On reproche à Total de profiter du régime militaire pour faire travailler les Birmans dans de très mauvaises conditions. Total a même été accusé de travail forcé. Aujourd’hui, l’entreprise française affirme qu’elle n’a plus de contacts privilégiés avec le pouvoir birman.

Aung San Suu Kyi

Opposante politique. Depuis 1989, elle est souvent mise en prison ou en résidence surveillée. Elle a eu le prix Nobel de la paix en 1991. Elle a un grand soutien international.

Repères

La Birmanie est un pays du Sud-est  de l’Asie. Ce pays compte plus de 700 000 km2 et environ 50 millions d’habitants. 70% de la population de ce pays vit à la campagne. La plus grande partie de la population est birmane. Des minorités ethniques (qui vivent souvent aux frontières) veulent être reconnues.
Les principales richesses naturelles du pays sont le pétrole, le gaz, les pierres précieuses et le teck. A quoi, il faut ajouter l’opium…
Selon la Banque mondiale, 1 ménage sur 4 vit sous le seuil de pauvreté en Birmanie. Les militaires au pouvoir donnent très peu d’argent pour la santé et pour l’éducation. Par contre, la Défense représente plus de 40% du budget du pays. L’armée, c’est plus de 400.000 hommes. Les dirigeants militaires vivent dans le secret. On dit même que certains de ces dirigeants se sentent continuellement persécutés, qu’ils sont paranoïaques.

Nouveau nom et nouvelle capitale

En 1989, les militaires birmans ont donné un nouveau nom à la Birmanie : l’Union du Myanmar. En 2005, les militaires ont déplacé la capitale. Ce n’est plus Rangoun, la principale ville du pays. Ils ont choisi une ville, plus au centre du pays, dans la jungle, Naypyidaw. C’est une espèce de ville forteresse. Ils ont choisi Naypyidaw pour plusieurs raisons. Officiellement, pour rompre avec la tradition coloniale. Sous l’occupation coloniale britannique, en effet, Rangoun était la capitale de la Birmanie. Mais si les militaires ont choisi cette ville forteresse, c’est parce qu’ils se méfient de la population de Rangoun. Et aussi parce qu’ils ont eu peur d’une intervention  militaire américaine.

On dit que le dirigeant birman, le « Généralissime » Than Shwe (74 ans), a choisi Naypyidaw pour capitale sur conseil de ses astrologues…

 

 


Une réponse

  1. Total, c’est vraiment dégueulasse ce qu’ils font en Birmanie. Profiter ainsi des gens qui ne peuvent pas réclamer.

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