mardi 23 avril 2024

L’ESSENTIEL L’information simple comme bonjour

« On aide les réfugiés, et nos SDF alors ? »

Denis Uvier est travailleur social de terrain. Depuis 25 ans, il est aux côtés des sans-abri, il est avec les sans-abri de Charleroi. « Il est » parce que c’est le verbe être qui va le mieux : il n’aide pas les sans-abri, il ne s’occupe pas des sans-abri, oui, il est avec les sans-abri. Et je voulais rencontrer Denis Uvier parce que, comme lui, je suis agacé par ceux qui disent : « On aide les réfugiés, mais nos SDF alors ? »

Aider aussi les réfugiés

Des amis Facebook de Denis lui écrivent ce genre de choses : ils félicitent Denis pour son travail avec les SDF, mais ils ne comprennent pas pourquoi Denis défend et aide aussi les réfugiés. Denis essaie de les raisonner, s’il n’y arrive pas, il les « vire » de ses amis : « Tout d’un coup, des gens se mettent à défendre des sans-abri parce qu’il y a des étrangers et des réfugiés. Cela, je ne supporte pas. Quand c’est le joueur de football qui est étranger, on applaudit, mais on est raciste avec celles et ceux qui fuient la misère. »
« Évidemment à Charleroi, on n’a pas les mêmes problèmes qu’à Bruxelles. On rencontre beaucoup moins de réfugiés. » dit Denis. Tous les jours, Denis fait le tour des squats et des lieux de misère où se réfugient les sans-abri. Dans ces  maraudes, comme il dit, il rencontre parfois des réfugiés: « On ne dit rien, on n’a pas envie que les flics débarquent le lendemain. » Denis aide donc aussi les réfugiés en distribuant une tente ou des couvertures.

Contre l’exclusion

« Certains SDF disent parfois : « Il va encore aider les réfugiés ». Mais je m’en fous. » dit Denis. « J’ai encore rencontré un sans-papiers, il n’y a pas longtemps, je l’ai aidé il y a quelques années. Maintenant, il est bien et tout. Il m’est vraiment reconnaissant, même sa mère dans son pays, il m’a montré la lettre de sa mère où elle écrit qu’elle prie Allah pour Monsieur Denis, il faut le faire hein ça. »
Denis utilise le plus souvent le mot « sans-papiers », c’est le mot que l’on utilisait, il y a quelques années pour parler des étrangers qui vivent clandestinement dans le pays plutôt que « clandestin » ou « illégal ». Il y a quelques années, car Denis est dans « le social » comme il dit depuis plus de 25 ans. En 1997, il a participé avec des SDF à la Marche européenne contre l’exclusion et les précarités. Cette marche était organisée par une série d’associations avec le soutien des syndicats. C’était à l’occasion du sommet européen d’Amsterdam. Tous les « Sans » manifestaient avec les travailleurs contre la politique européenne qui n’était pas assez sociale… Déjà en 1997. Les « Sans » ?

L’union des « Sans» 

Oui, les « Sans », c’était le jargon. Il y avait des actions pour réunir les sans-logement, les sans-emploi et les sans-papiers. Denis se souvient : « A l’époque, avec Pascal (Pasquale Colicchio, militant du syndicat FGTB, figure du mouvement social à Charleroi), on a essayé de faire l’union de tous les « Sans », on a sans doute raté quelque chose là. » Il raconte encore. Il y a plus de 20 ans, Denis a fait la grève de la faim pendant 7 jours en solidarité avec les sans-papiers : des sans-papiers logeaient dans la basilique Saint Christophe de Charleroi. Ils faisaient la grève de la faim pour avoir « des papiers », pour être régularisés.
« Les enfants des sans-papiers étaient tout le temps dans l’église. Ils faisaient du bruit forcément, ça énervait tout le monde,  dit Denis. Il poursuit: « Finalement, on s’est arrangé : ils passaient la journée dans la garderie d’une école toute proche. Mais il fallait les y conduire et aller les chercher. Les parents ne pouvaient pas sortir de l’église, car ils risquaient d’être arrêtés.
Qu’est-ce qu’on a fait avec des SDF ? On a encadré les enfants sur le chemin de l’école. Il y avait des SDF qui étaient toujours partants pour aider les sans-papiers. Des SDF comme « Tobi l’Indien » ou « Muchmuche »
  (c’était des SDF « célèbres » à Charleroi). « On a même fait des t-shirts avec : « On n’est pas tous d’extrême droite». Rappelle-toi », me dit Denis. Oui, je me rappelle, j’étais un jeune militant à l’époque … Je quitte Denis, avec ces souvenirs dans la tête, mais surtout heureux de cette entrevue pleine d’humanité.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

À propos

Par son existence même, le site de l’Essentiel mène des actions pour encourager la lisibilité des textes écrits. Les articles du site www. journal-essentiel.be sont écrits dans un langage accessible à tous, quelque soit son niveau de lecture de départ. Et les mots incontournables sont expliqués dans un glossaire qui accompagne l’article. Mais le site s’inscrit aussi dans un combat plus large.

Articles récents
arton5302
Arno, rocker belge et européen
arton5300
Macron président mal élu?
arton5275
Contre la vie chère
Newsletter

Restez informé, inscrivez-vous à notre newsletter, c’est gratuit et utile !

Nous suivre