Il arrive, n’entendez-vous pas? Qui ça?
Mais le printemps, pardi! Les moineaux recommencent leurs chamailleries, les
jeunes pousses d’herbe
rêvent déjà de transat et le coq se lève plus tôt
chaque matin.
Photo Cat
Pour faire bouger ce grand paresseux de soleil, il y a un
moyen : marteler le sol au rythme des tambours, jeter au feu les vieux fagots
de l’hiver
et avec eux les vieux soucis, faire la farandole comme si le bon temps était
déjà là. Où ? Dans les villes, villages, corons,
hameaux. Faire fuir l’hiver est l’origine de la tradition des grands
feux et des carnavals. Le «folklore» est la somme des connaissances
populaires que l’on recommence, inlassablement, de génération
en génération, juste pour le plaisir de se retrouver et de faire
la fête ensemble. En ce début d’année, il se manifeste
bruyamment et avec éclat : batteries, tambours, clarinettes, trompettes,
grosses caisses. Il amène ses costumes insolites et chamarrés,
ses maquillages extravagants.
Le soir, sur le bûcher, Bonhomme Hiver
sera sacrifié. Il ne laissera plus au petit matin que des cendres fertiles
pour faire pousser le blé.
La nuit des temps
Voici une centaine d’années, nous vivions dans
une société agro-pastorale
fortement liée à la nature et à l’artisanat. La
transmission des savoirs se faisait oralement, des anciens aux jeunes. Avec
l’industrialisation de la fin du XVIIIe siècle, nous avons un
peu perdu ce rapport à la nature. Après la première guerre
mondiale, on assiste à un brassage de cultures. De plus à partir
de 1918, l’instruction devient obligatoire. Et l’écrit prend
le pas sur l’oral. Enfin, la télévision signe l’arrêt
des veillées. Celles-ci permettaient la transmission d’arts populaires. À cette époque,
beaucoup de fêtes villageoises disparaissent… Mais ces anciennes pratiques,
ces jeux traditionnels, ces ducasses, ces grands feux, ces carnavals sont en
train de renaître un peu partout en Belgique. Protection de la culture
populaire, besoin de retrouver des racines? Depuis mai 2004, 15 événements
sont reconnus comme partie du patrimoine oral et immatériel de la Communauté française.
Après Binche, le Carnaval de Malmédy, les 14 Marches anciennes
de l’Entre Sambre et Meuse, le Meyboom à Bruxelles et les Ducasses
de Mons et de Ath ont déposé leur candidature à l’UNESCO
pour faire partie du patrimoine immatériel de l’Humanité.
Traditions
locales
Et que dire de ces petits grands feux, de ces petits carnavals de quartier
ou de village où la tradition est jalousement gardée, sans trop
de publicité! Encore bien vivantes, ces fêtes rassemblent de plus
en plus de monde qui ne vient pas «que» pour faire la fête.
Le simple quidam commence à s’intéresser aux traditions, à l’histoire.
A son histoire. A une histoire à dimension humaine qui fait aussi partie
de la «grande histoire» de notre pays.
Catherine Tellier