![]() Photo : Belga |
Une loi de 1999 prévoit de priver de dotation
les partis qui veulent supprimer les libertés des citoyens. Cette loi
n’a jamais été appliquée
envers les partis racistes. Mais un vote récent en Commission de l’Intérieur
du Sénat va changer les choses. Ces partis devront désormais
faire attention.
Depuis 1995, les partis politiques belges qui veulent avoir
une dotation publique doivent s’engager, dans leurs statuts, à respecter
les droits fondamentaux. Ces droits sont consacrés par la Convention
des droits de l’homme. Et, en 1999, les législateurs ont décidé de
prévoir un dispositif pour priver les partis liberticides de financement
public. Mais ce mécanisme n’a jamais été appliqué.
Il peut désormais l’être puisque les partis
de la majorité et
certains de l’opposition: le CDHCentre démocrate humaniste, anciennement Parti social chrétien (PSC) et Ecoloen Belgique, le parti des écologistes francophones – ont voté au Sénat
la loi de procédure nécessaire. Le Vlaams Belang"Intérêt flamand" en français, nouveau nom du Vlaams Blok, parti d'extrême droite flamand – parti qui
a repris les idées du Vlaams Blok tout en changeant son nom – a évidemment
voté contre cette loi. Rappelons que la Cour de cassation a dans un
célèbre arrêt constaté que le Vlaams Blok est un
parti raciste. On pourrait donc facilement lui retirer son financement public
fédéral de 2 millions d’euros si on applique la nouvelle
loi à la lettre. Mais comme les responsables de ce parti sont des petits
malins, ils ont changé à temps l’appellation de leur groupe
politique pour se protéger d’une sanctionpunition, amende rétroactive.
Certains juristes contestent ce changement d’appellation en considérant
que les convictions et les responsables de ce parti sont restés les
mêmes. Pour Philippe Moureaux (PSParti socialiste) et Christine Defraigne (MRMouvement Réformateur), il ne
peut être question d’amnistie ni d’amnésie. «Le
changement de nom d’un parti n’a aucune incidence», a déclaré Moureaux.
Nécessaire consensus
Pour apaiser les craintes des Flamands, un accord
a été passé entre
le VLD et le PS pour ne pas revenir sur les faits passés du Vlaams Blok.
Mais les partis francophones attendent le Vlaams Belang au tournant. A la moindre
atteinte aux droits et libertés fondamentaux, le PS demandera au Conseil
d’Etat d’examiner les faits et de couper les vivres du parti. Et
tous les faits commisdu verbe commettre, c'est faire quelque chose contre la loi: voler, tuer,... entre 2005 (ou plus tard) et mai 1999 (date du vote de
la loi permettant de supprimer la dotation des partis démocratiques)
pourraient être reliés. Seul le CD&VChristen-Democratisch en Vlaams. En français: Chrétiens-démocrates et flamands. Pour le dire simplement, c'est à l'origine la famille sociale-chrétienne, comme le CDH côté francophone., n’a pas voté pour
cette proposition qu’il trouve «idiote et déraisonnable.»
Les
chrétiens flamands craignent qu’en prenant de telles mesures contre
le Vlaams Belang, on le renforce : il deviendrait ainsi une victime du système
démocratique. «J’ai longtemps pensé que l’entêtement
des francophones dans leur lutte contre l’extrême droite était
un combat honorable, a déclaré Marc Van Peel (CD&V) au Sénat.
Je me rends compte aujourd’hui que ces beaux discours cachent une stratégie
d’affaiblissement des forces politiques flamandes. C’est eux qui
donnent au Vlaams Belang les armes pour nous abattre. Comment pouvez-vous être
si bêtes ?»
Pas seulement le Vlaams Belang
Cette nouvelle disposition ne vise pas que le
Vlaams Belang. Le Front national, parti extrémiste francophone, est également
dans le collimateur des démocrates. Il aura fallu attendre 11 mois pour
que le Sénat
se mette à examiner le projet de loi Eerdekens-Gerkens.
La plainte contre un parti non démocratique devra être introduite
par un tiers au moins des membres de la Commission du contrôle du financement
des partis politiques auprès de la section administrative du Conseil
d’Etat. Il faudra donc toujours un consensus entre partis démocratiques
pour priver les partis racistes de leur financement public.
Vincent Thomasson