![]() Photo : Belga |
Les élections ont bien eu lieu
en Irak, le dimanche 30 janvier. C’est à la
fois une réussite et un échec. Une réussite parce que beaucoup
pensaient qu’elles ne pourraient pas avoir lieu. Un échec parce
que, contrairement aux chiites, les sunnitesqui respectent l'enseignement, les dires, les faits et les gestes (vrais et/ou supposés) du prophète Mahomet ne sont pas allés voter.
Les élections en Irak sont une réussite. On pensait qu’elles
n’auraient pas lieu à cause du terrorisme et du chaos qui règnent
dans le pays depuis l’intervention des Américains et de leurs
alliés. Une réussite, encore, parce que la participation a été beaucoup
plus élevée que prévu. Malgré les menaces des terroristes,
60% des électeurs sont allés voter. Cela représente 8
millions de personnes. Le groupe terroriste du jordanien Moussab al-Zarqaoui,
lié au réseau terroriste d’Oussama Ben Laden, avait annoncé un
bain de sang.
Il voulait décourager les électeurs. Il s’agit
aussi des premières élections depuis 1953. « C’est
la démocratie retrouvée », ont déclaré des électeurs.
Le président américain, Georges W. Bush, et le pouvoir en place
en Irak, installé par les Américains, ont évidemment salué cette
réussite.
Echec
Mais ces élections sont aussi un échec, pour plusieurs
raisons. D’abord il y a eu, malgré toutes les mesures de sécurité,
plusieurs attentats suicide. Ceux-ci ont provoqué une trentaine de morts.
C’est un échec aussi parce que, même s’il y a eu un
vote démocratique, le problème du partage du pouvoir n’est
pas du tout réglé.
Le nombre de votants montre le fossé qui
existe entre les trois grandes communautés religieuses et ethniques
du pays: les chiites, les sunnites et les Kurdes. Les électeurs qui
ont voté, ce sont ceux de la majorité chiitequi suit le chiisme, 2e principale branche de l'islam avec le sunnisme. Le chiisme suit les principes d'Ali considéré comme le prophète successeur de Mahomet. et les Kurdes. Beaucoup
de sunnites, une minorité importante de la population, ne sont pas allés
voter. Ils ont respecté le boycott lancé par les responsables
de cette branche de l’islam et, bien plus, par la guérilla.
Le
plus grand danger, c’est que l’on ne puisse pas installer en
Irak un gouvernement qui représente toutes les parties de la population.
Car les chiites, de leur côté, appuyés par les conservateurs
de l’Iran, entendent bien faire valoir leur majorité, surtout
qu’ils prennent leur revanche. Le dictateurpersonne qui a tout le pouvoir dans un pays et qui le garde par la violence Saddam Hussein, renversé par
l’intervention américaine, s’appuyait sur la minorité sunnite.
Bien sûr, tout sunnite qui s’opposait à Saddam Hussein était
tué ou emprisonné et torturé. Mais Saddam était
lui-même sunnite et favorisait quand même cette partie de la population.
Quant aux Kurdes, leur but final est l’indépendance.
Et après?
On ne connaîtra le résultat des votes que vers
la mi-février.
Mais, finalement, ce qui importe vraiment, c’est de savoir comment arriver à faire
participer les sunnites aux différents niveaux de pouvoir. C’est
très important. Le nouveau parlement, par exemple, doit écrire
la nouvelle constitution irakienne. Un texte qui devra veiller à respecter
les droits de tous.
Le gouvernement en place depuis le renversement de Saddam
Hussein par les Américains
ne cache pas que le problème est là. Tout de suite après
les élections, le président, le premier ministre et plusieurs
ministres ont déclaré qu’il fallait trouver une solution.
Sinon les élections n’auront à peu près servi à rien.
Plusieurs responsables américains ont aussi fait des déclarations
dans ce sens.
Enfin, ces élections sont aussi un échec parce qu’elles
ne sont pas tombées à un moment où le pays était
calme. Au contraire, le pays est plus que jamais dans le chaos. Les actions
terroristes se multiplient et font beaucoup de morts. Des zones entières
sont sans contrôle. Il est donc impossible pour un gouvernement de vraiment
diriger un pays et de le ramener à la paix.
Marc Vandermeir