mercredi 24 avril 2024

L’ESSENTIEL L’information simple comme bonjour

Quel gouvernement?

Le 10 juin, les Belges ont voté pour leurs députés et leurs sénateurs. Mais quand la Belgique aura-t-elle un gouvernement? Et quels sont les partis politiques qui seront dans ce gouvernement? Pas facile à dire. Le Roi a nommé un informateur: Didier Reynders, chef des libéraux francophones. Il va recevoir des responsables économiques, sociaux et bien sûr politiques de Belgique: un total d’environ 200 personnes ! Il doit informer le Roi dans une semaine de l’état du pays et des différents gouvernements possibles.


Photo: Belga

Mardi 12 juin dans la soirée, le Roi a nommé Didier Reynders comme informateur. De quoi Reynders va-t-il informer le roi ? De plusieurs choses. D’abord de la situation économique et sociale du pays. Il a déjà rencontré le gouverneur de la banque nationale, les syndicats, … Ensuite des attentes des partis politiques et de la société. Il rencontre cette semaine, les responsables des partis politiques. Enfin, et c’est sans doute le plus important, Reynders dira au Roi quels sont les gouvernements possibles pour le pays. Avec les informations reçues, le Roi nommera un formateur. Ce formateur fera le tour des partis et proposera alors un nouveau gouvernement. Didier Reynders s’est donné 15 jours pour informer le Roi. Didier Reynders veut donc aller vite.

L’orange bleue

Avant d’être nommé formateur, le mardi 12 juin au matin, Didier Reynders, ministre des Finances du précédent gouvernement et chef des libéraux francophones, annonçait déjà la couleur: un gouvernement orange bleue pour la Belgique. C’est-à-dire, une alliance de la famille politique chrétienne (orange) et de la famille libérale (bleue). Dans le journal Le Soir, Reynders déclarait : « Ma préférence a toujours été à une bipartite, parce que c’est plus simple à gérer. Et ça évite de se lancer dans un débat interminable sur la réforme de l’Etat. » Didier Reynders a peut-être raison mais la Belgique est-elle si simple ? Reprenons.

Une bipartite

« Ma préférence a toujours été à une bipartite » dit Reynders. En un sens, c’est normal. Le MR, les libéraux francophones, perdent un siège : ils passent de 24 à 23. Mais ils ont le plus grand nombre d’élus en Wallonie et à Bruxelles. Le PS perd en effet 5 députés (ils passent de 25 à 20). En Flandre, l’Open VLD, les libéraux flamands, perdent des élus. Ils passent de 25 à 18 députés. Mais ils perdent moins que les socialistes flamands. Le SP.A n’a plus que 14 députés, alors qu’il en avait 23. Par contre, la famille politique venue du monde chrétien se porte bien en Belgique. Mieux du côté néerlandophone que francophone. Le CDH francophone, anciens sociaux-chrétiens, progresse: il passe de 8 à 10 députés. Le CD&V/NVA, les « chrétiens » flamands alliés à un parti nationaliste, est le 1er parti politique du pays : 30 députés, il en gagne 8. Si on additionne les députés du MR d’Open VLD, du CDH et du CD&V, on obtient 81 députés sur 150. Pour former un gouvernement, il faut avoir la majorité à la Chambre: 76 députés sur 150. C’est donc possible. Mais est-ce plus simple à gérer ?

« Plus simple à gérer » ?

Oui, en principe, c’est plus facile de mettre d’accord 2 familles politiques que 3 ou 4. Mais la Belgique est compliquée. Prenons par exemple, le CDH, les sociaux-chrétiens devenus CDH ; centre démocrate francophone Imaginons le CDH au gouvernement fédéral avec les libéraux. Au fédéral, les socialistes seront dans l’opposition. Mais le CDH gouverne avec les socialistes à la Région wallonne, à la Région bruxelloise et à la Communauté française. Ce n’est pas très confortable pour un parti de gérer des accords si différents. Même si en Belgique, les partis sont habitués à faire des compromis. Mais ce n’est pas le seul problème. Et Didier Reynders le dit dans la dernière phrase de sa déclaration : « Et ça évite de se lancer dans un débat interminable sur la réforme de l’Etat. » Et c’est sans doute là le vrai problème : la réforme de l’Etat.

La Belgique divisée

Comme dans les autres pays, il y a, en Belgique, plusieurs grandes familles politiques : socialistes, écologistes, « chrétiens » et libéraux. Mais il y a aussi 2 grandes communautés : les néerlandophones, les Flamands, d’un côté et, de l’autre côté, les francophones. Depuis plusieurs dizaines d’années, il y a 2 partis indépendants pour chaque grande famille politique : un parti flamand et un parti francophone. Et ces partis n’ont pas tout à fait la même vision de la Belgique, s’ils sont en Flandre ou en Communauté française. C’est même parfois très différent. Côté flamand, les partis et les électeurs sont plutôt pour donner beaucoup plus de pouvoirs aux Régions et pour changer les institutions de la Belgique. Quels pouvoirs donner aux Régions ? La politique de l’emploi, par exemple. Pour beaucoup de Flamands, il ne faut plus de ministère fédéral de l’emploi parce que le marché du travail est très différent en Flandre et en Wallonie. Même raisonnement pour les soins de santé. Des Flamands réclament une séparation des soins de santé avec l’idée que les Wallons dépensent trop d’argent, venu du fédéral, pour se soigner.
Et puis, il y a encore l’arrondissement de Bruxelles Hal Vilvorde : BHV, en abrégé. Et BHV, c’est compliqué. BHV, c’est 19 communes de Bruxelles et six communes du Brabant flamand. Pour être bref, disons que BHV est un arrondissement judiciaire et une circonscription électorale. Cela signifie que ses habitants ont des tribunaux francophones et néerlandophones. Et ils peuvent  voter pour des candidats francophones et néerlandophones. Les Flamands veulent que cet arrondissement soit coupé en deux. D’un côté, Bruxelles qui resterait bilingue, de l’autre côté, Hal et Vilvorde, en territoire flamand, seraient rattachés à Louvain. Mais 120 000 francophones vivent dans l’arrondissement. Et ils ne veulent pas de la séparation.

Tout est possible

Pour faire tous ces changements dans l’Etat belge, cette réforme de l’Etat, on sait que le débat est « interminable » comme dit Reynders. On sait aussi qu’il faut une majorité de 2/3 de députés. Avec 81 députés derrière lui, un gouvernement orange bleue n’atteint pas ces 2/3. Pas de réforme de l’Etat donc. Et c’est vrai que côté francophone, les partis politiques ne demandent pas une réforme de l’Etat maintenant. Mais, en Flandre, les électeurs ont surtout donné  leur voix à des partis qui la demandent. Pour gouverner la Belgique, il faudra donc mettre d’accord partis flamands et partis francophones. Tout est ouvert. La Belgique est compliquée mais tout ou presque est possible dans les accords politiques.

Thierry Verhoeven

Une réponse

  1. En effet, aux vus, aux lectures, la formation d’un nouveau gouvernement stable et cohérent n’est pas une mince affaire. Et c’est le moins que l’on puisse dire!
    Quelle représentation peut-on se faire de la Belgique actuelle? Une demi-année de discussions interminables, de tergiversations! Pour voir enfin « naître » un gouvernement intérimaire cependant.
    Où sont passées les opinions assertives, les prises de décision ferme, la pensée collective et constructive? Où est passée la confiance mutuelle? Celle de croire en soi mais aussi en l’autre.. celui qu’il me tarde de connaître. Pourquoi tout retarder, pendant que le peuple attend incessament et ne peut que suivre le mouvement… vers quel avenir?
    D’une part et d’autre part, flamands et wallons, ces différences qui séparent apparement, ces différences représentant des atouts pourtant, ces atouts interprétés de part et d’autre comme une attaque plus que comme une force collective belgowallonne et belgoflamande.
    C’est dur dur, inouï, de voir les évènements se dérouler de la sorte.
    Restons positifs, un gouvernement en formation est bien là, nous en sommes tous bien conscients.
    Que ce gouvernement, je le souhaite de tout coeur se tourne vers un avenir prometteur, avec des différences complémentaires, et des ressemblances qui ne peuvent que renforcer tant et plus le gouvernement de l’an 2008 que le peuple attend ferme, stable et uni!

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