jeudi 25 avril 2024

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Housing First, un logement d’abord

Qu’est-ce que le Relais Social de Charleroi en quelques mots et quel est son lien avec le modèle Housing First ?

Le Relais Social existe depuis 2001 et a pour but de coordonner les services d’aide aux sans-abris. Ces services d’aide sont, par exemple, les accueils de jour, les abris de nuit, les comptoirs d’échange de seringues… Tous les services qu’on appelle de « première ligne ». Parmi les missions du Relais Social de Charleroi, il y a des projets d’innovation sociale, dont Housing First. Le Relais Social de Charleroi était un des premiers à mettre en place ce modèle en Belgique.

Housing First, c’est quoi exactement ?

Le modèle Housing First vient des Etats-Unis. Il existe depuis les années 90. Il s’est développé en Belgique à partir de 2013. Housing First prend en charge des personnes à la rue depuis au moins 2 ans, des personnes qui ont des problèmes d’assuétude et de santé mentale et qui sont éloignées des structures d’accueil habituelles.
L’idée est d’aider ces personnes à s’insérer en leur donnant un accès direct à un logement décent et durable, et de les aider à se rétablir et se maintenir dans le logement. Avec Housing First, les personnes obtiennent un logement tout de suite. Elles passent de la rue au logement sans étapes intermédiaires. C’est la grosse différence avec les modèles classiques. Dans ces modèles, on leur propose une maison d’accueil ou un logement temporaire et plusieurs étapes via un parcours d’insertion au logement. Housing First a un taux de réussite de 80%. 80% de ces personnes se maintiennent dans le logement et vivent dans des conditions où la personne se sent bien. La finalité, c’est le bien-être de la personne par rapport à ses assuétudes ou son trouble de santé mentale.

Comment faites-vous pour identifier les personnes ?

A Charleroi, on a beaucoup de personnes sans-abri qui pourraient s’insérer dans le modèle Housing First. Les structures d’aide aux sans-abris rencontrent une grosse part du public sans-abri et finissent par le connaître. Les travailleurs de rue entrent en contact avec ces personnes. Ce sont donc les services présents sur le terrain qui nous proposent des candidats. Le service remplit une fiche candidature avec la personne sans-abri et nous la soumet.

Une fois que les candidatures vous sont proposées, comment ça se passe ? Quel accompagnement est proposé aux personnes ?

Une fois qu’on a sélectionné une personne sur base de critères objectifs, on la rencontre, on évalue si sa demande est liée au logement, mais aussi si la personne demande un accompagnement. Si elle est d’accord, on va l’accompagner tout de suite. L’accompagnement est proposé par l’équipe Housing First. Ces équipes varient d’une structure à l’autre. Au Relais Social de Charleroi, notre équipe est pluridisciplinaire. Elle est composée d’une éducatrice, d’une assistante sociale, d’une psychologue, d’une infirmière et d’une coordinatrice. L’accompagnement c’est aider la personne à emménager, à s’installer dans le logement, à entretenir ce logement, à gérer les questions de voisinage, de paiement du loyer… Ce sont des propositions qu’on fait aux personnes. On part toujours des demandes des personnes, on n’oblige pas, on ne sanctionne pas. Quand la personne est prête, on va lui proposer assez vite de gérer ses troubles de santé mentale ou ses assuétudes.

Quand on a un toit, cela permet de répondre à des besoins fondamentaux : se nourrir, se soigner, se chauffer… Housing First permet de faciliter l’accès à ces droits ?

Oui. Une fois en logement, les personnes ne sont plus en mode « survie ». En rue, elles se posent des questions comme : où et que manger ? Où dormir ? Où être en sécurité ? Où et que consommer en cas d’assuétudes ? L’accès à la santé en rue existe. Il y a le Relais Santé, des infirmiers de rue, des dispositifs d’accueil… Mais le fait d’être dans un mode de survie, c’est énergivore, ça prend du temps. On peut difficilement travailler la stabilité…En logement, les préoccupations sont atténuées. Les personnes peuvent se poser et travailler sur des choses qui vont leur permettre de se sentir bien pour pouvoir anticiper à long terme.

Combien de candidats recevez-vous par rapport à ce que vous pouvez offrir comme logement et accompagnement ?

On a beaucoup de candidats… Il y en a trop par rapport à notre capacité d’accompagnement. Ce qu’on peut offrir actuellement, ce n’est pas grand-chose, car l’accompagnement est à durée indéterminée. Pour l’instant, on accompagne 28 personnes au Relais Social. Certaines sont accompagnées depuis 5 ans, 2 ans ou viennent d’arriver. Les personnes accompagnées depuis longtemps, on continue à les accompagner encore aujourd’hui. Les subsides fixes qu’on reçoit pour développer Housing First ne correspondent pas à la demande. Accompagner des personnes dans tous les domaines de leur vie, cela demande beaucoup de démarches et donc de temps. Cela limite donc le nombre de candidats que l’on peut prendre en charge. Chaque année, on reçoit une trentaine de candidatures, mais vu notre capacité d’accompagnement, on ne peut en accepter que 2 ou 3. La liste de candidats ne cesse donc de s’allonger. Beaucoup de candidatures restent là et en attendant, il n’y a pas d’autres solutions… Ces candidats qu’on ne peut pas accompagner sont dans des situations parfois tellement lourdes que les autres services ne vont pas les prendre en charge non plus.

Dans un contexte de crise du logement abordable, comment trouvez-vous des logements pour les personnes que vous accompagnez ? Est-ce que des logements sociaux sont mis à votre disposition, par exemple ?

Au Relais Social de Charleroi, on passe par le « capteur logement » (voir article à ce sujet). C’est lui qui trouve les logements. Donc, notre équipe Housing First a la chance de ne pas devoir prendre sur son temps de travail pour trouver des logements, mais ce n’est pas comme ça partout. A Charleroi, les logements ne sont pas aussi chers que dans d’autres villes. Mais pour des personnes qui bénéficient du revenu d’intégration sociale (RIS), un logement à 500 ou 600 euros, c’est beaucoup. Passer par des logements privés, c’est cher. Comme les loyers en logements sociaux se calculent en fonction des revenus, le logement social est une solution plus accessible pour beaucoup de personnes à faibles revenus. Le capteur logement du Relais Social a réussi à développer des partenariats avec les sociétés de logements publics. On a droit à un quota de logements sociaux pour Housing First. A nouveau, c’est une particularité de Charleroi. Les autres villes wallonnes n’ont pas un partenariat aussi développé avec les sociétés locales de logements publics ou n’en ont pas du tout. Cela rend difficile l’accès au logement abordable.

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