C’est un pays petit aux frontières internes
Où les douaniers pullulent à chaque carrefour
Où les vessies des porcs passent pour des lanternes
Pendant que le dimanche à la pointe du jour
Les convoyeurs attendent
C’est un pays mouillé perclus de pavés tristes
Où la pluie des lundis nous rend les jours amers
C’est un cafard secret auquel nul ne résiste
Quand sous le ciel réduit au niveau de la mer
Les convoyeurs attendent
C’est un pays joyeux à la bouche gourmande
Quand l’accordéon joue la rythmique du coeur
Quand le ciel est flamand et la lune romande
Loin des dancings discos où sous les projecteurs
Les convoyeurs attendent
C’est un pays marchand ouvert les jours ouvrables
Où l’Europe en chantier vient nicher ses squatters
Dans les bureaux déserts de tours inhabitables
Pendant qu’à chaque arrêt du tram 107 quater
Les convoyeurs attendent
C’est un pays doublé de régions transitoires
je dirais même plus que ce sont deux pays
Tombés par accident dans un trou de l’histoire
Et où depuis ce temps entre Bonn et Paris
Les convoyeurs attendent
C’est un pays debout que je porte en mon ventre
Creusé par les houilleux bâti par les maçons
Ce pays mes amis, il nous faudra le prendre
Et c’est ce pays-là qu’au seuil de leurs maisons
Les convoyeurs attendent
Car nous n’attendrons pas qu’il neige des oranges
Ou que l’ogre d’argent daigne enfin nous quitter
Pour vivre dans les rues cette passion étrange
Qu’on appelle parfois simplement Liberté
à force de l’attendre
C’est un pays petit aux frontières internes
Où les contrebandiers partagent leur tabac
Autour des braseros quand l’aurore lanterne
Et qu’on oublie la nuit en rêvant que là-bas
Les voyageurs s’envolent