vendredi 29 mars 2024

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Fils de juif, fils de Nazi

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Un doctorat honoris causa est un titre donné par une université à une personnalité qui s’est illustrée dans un domaine particulier. C’est une façon d’honorer cette personnalité et de saluer son action. Le doctorat honoris causa des 2 Universités libres de Bruxelles, la néerlandophone VUB et la francophone ULB devait être décerné à 2 amis improbables, Koenraad Tinel et Simon Gronowski.

Koenraad Tinel est un artiste, sculpteur et dessinateur belge néerlandophone. Simon Gronowski est un avocat retraité du barreau de Bruxelles. Et il est pianiste de jazz. Les deux hommes sont aujourd’hui des amis très proches. Et c’est d’ailleurs surtout pour cette amitié qu’ils seront honorés par ce doctorat.
En effet, au départ, ces deux-là avaient bien peu de chances de devenir amis. Ils avaient commencé leur vie comme ennemis.

Enfant juif

Simon Gronowski est né à Bruxelles dans une famille juive francophone. En 1943, il a été arrêté par la Gestapo. Il avait alors 11 ans. Les Allemands l’ont enfermé avec sa famille dans une prison à Malines.
Et le 19 avril 1943, les Allemands organisent le 20e convoi de la Belgique vers Auschwitz. Dans le train, 1 631 déportés juifs dont la famille Gronowski . Des résistants mènent une action pour libérer les prisonniers. Encouragés par cette attaque, 231 prisonniers parviennent à s’échapper. Parmi eux, Simon Gronowski que sa mère pousse hors du train. Au total, 153 personnes ont survécu au 20e convoi. Ni la mère et ni la soeur de Simon Gronowski ne sont revenues des camps nazis. En 2002, Simon Gronowski a raconté son histoire dans un livre: « L’Enfant du 20e convoi ».

Gosse de nazi

Koenraad Tinel est né dans une famille flamande de Gand. Pendant la guerre, sa famille soutenait les Nazis. Koenraad Tinel se désigne comme « gosse de nazi » et il se sent coupable des actions de son père. « Mon père avait deux idoles, le Christ et Hitler! Essayez de comprendre ça… ». Ses frères suivent le modèle du père: l’un a été envoyé sur le front de l’Est, l’autre a été volontaire chez les Waffen SS flamands.
Koenraad Tinel raconte comment à la Libération, la famille Tinel a fui vers l’Allemagne : « près de 2 ans à se cacher, camper en forêt, avoir faim ». Puis de retour en Belgique, c’est la prison et la dégringolade sociale pour cette famille de collaborateurs. En 2009, Koenraad Tinel a raconté son histoire dans un recueil de dessins (« Scheisseimer », « Seau à merde » en allemand). Il l’a ensuite transformé en une pièce de théâtre.

Amitié improbable

Au départ donc, rien ne disait que ces hommes pourraient devenir amis. Mais en 2012, un militant de l’Union des progressistes juifs de Belgique qui connaissait bien leurs histoires a l’idée d’une rencontre. Et ils ne se sont plus quittés depuis.
Koenrad a raconté à Simon comment il a dû supporter pendant des années que son père et ses 2 frères n’aient aucun remords. « Quand je lui ai dit que les enfants des coupables ne sont pas coupables, il y a eu un déclic (…) Une grande amitié est née entre nous », dit Simon, qui parle aujourd’hui de Koenrad comme d’un « frère ». « Ces paroles de Simon, c’était un très beau message pour moi, ça m’a fait un énorme plaisir », dit Koenrad Tinel. En 2013, les 2 hommes publient ensemble « Ni victime ni coupable, enfin libérés ».

Et cette amitié profonde entre Simon et Koenraad a même fini par faire changer d’avis un des frères Tinel, collaborateur des SS et gardien de la prison de Malines. Sur son lit de mort, ce frère a demandé pardon à Simon « J’ai besoin de votre pardon pour mourir en paix ». « Alors, dit Simon, « je l’ai pris dans mes bras, et je lui ai pardonné. Ce pardon lui a fait beaucoup de bien, mais à moi encore plus ». Ce qui est sûr c’est que cette amitié exceptionnelle est un puissant symbole d’espoir, de bonheur et de paix.

Une vidéo de la rencontre

Une interview de Koenrad Tinel

Une interview de Simon Gronowski

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