L’histoire du film
Abbas, professeur de français, a fui la guerre en Centrafrique pour construire une nouvelle vie en France. Abbas a demandé le statut de réfugié. En attendant la réponse, sa vie s’organise. Ses enfants fréquentent l’école, il travaille sur un marché où il a rencontré Carole. Ils vivent une relation amoureuse. Carole veut construire un foyer avec Abbas. Mais Abbas vit avec les fantômes de son passé et surtout, il vit dans l’attente de son statut de réfugié. Quel avenir pour Carole, Abbas et ses enfants?
Le langage pour la relation
En parlant des migrants morts en Méditerranée, des camps de réfugiés et des contrôles policiers, Patrick Chamoiseau écrit dans un roman, Frères Migrants: «Les frontières tuent tous les jours en masse, mais elles s’inclineront. Elles resteront comme vieilles coutures du monde ancien. (…) Il y aura de nouveaux espaces, de nouveaux lieux où chacun sera libre de mener son existence au monde, en droit du sol, en droit de sang, en droit de Relation.» En voyant le film, on peut penser à ce droit de Relation car le film affirme la relation, le droit de relation, envers et contre tout. Dans le film, la relation se fait de plusieurs façons. Entre autres, par le langage.
Les dialogues
Dans le film, il y a peu de dialogues, mais ils sont polis, brefs et émouvants, élégants même. Quand la parole devient grossière, c’est qu’il y a une violence du système contre les individus qui réagissent alors violemment : ainsi quand Abbas reçoit une réponse négative pour son droit d’asile, quand l’abri d’Etienne est incendié par des racistes, …
Les livres
Dans ce film, on voit ça et là des livres, ces porteurs de langage, des livres portés par des migrants. Des livres de grande littérature, des livres d’enfants. Au fond d’une image, on aperçoit la couverture du roman de Le Clézio, Désert. Les dernières images du film donnent une dimension toute particulière à ce titre et à ce livre, Désert. Le langage fonctionne par images et l’image est un langage.
Les images
Soyez attentifs aux images du film. Comme pour les dialogues et le langage, vous verrez l’élégance de ces images. Pourtant, le film est tourné dans les quartiers populaires de Paris et dans sa « triste » banlieueterritoire autour du centre d'une ville. Les appartements sont petits, les décors modestes. Et cependant, le cinéaste sait rendre belles, élégantes des images où l’on voit simplement une table recouverte d’une toile cirée, un mur décrépi. Et vous observerez aussi la manière dont il filme les corps, les visages, parfois en gros plan.
Droit de Relation
Langage et image pour des mises en relation entre les êtres, entre les êtres et les choses : voici un film de sensibilité où le toucher à toute son importance : toucher des plantes, toucher une papaye, ce fruit exotique, toucher, langage des corps en toute pudeur, en toute élégance ici encore. Langage et image pour des mises en relation, oui ! Et aussi des transmissions pour garder la mémoire et continuer la route : transmissions par la comptine, par le livre, par le toucher, par le rapport sensible au monde.
Rappelons-le : il y a quelques rares scènes où le film perd de son élégance dans le langage et dans l’image. A chaque fois, c’est quand les êtres se retrouvent coincés dans des espaces. Et pourtant, dit Chamoiseau dans le livre Frères Migrants: « Les êtres s’élancent, s’élancent encore, dans nulle part, à jamais. » C’est ce que font les personnages du film Une Saison en France, ils s’élancent, s’élancent encore, dans nulle part à jamais, pour que demain soit possible.
(1) Voir
Les mots pour le dire (1)
Les mots pour le dire (2)
Les mots pour le dire (3)
Une Saison en France est un film français réalisé par le cinéaste tchadien Mahamat Saleh Haroun. Acteurs et actrices principales: Ériq Ebouaney, Sandrine Bonnaire, Olivier Père, Bibi Tanga
Bande annonce du film Une Saison en France