Pas facile de s’y retrouver dans le fonctionnement institutionnel belge…
La Belgique est un état fédéral. Ses entités fédérées sont les Régions et les Communautés. Il y a 3 Régions : la Région flamande (territoire de la Flandre), la Région wallonne (territoire de la Wallonie) et la Région Bruxelles-Capitale (territoire des 19 communes de la région bruxelloise).
Il y a aussi 3 Communautés : la Communauté flamande (de langue flamande), la Communauté française (appelée Fédération Wallonie-BruxellesInstitution compétente pour les francophones de Wallonie et de Bruxelles, de langue française) et la Communauté germanophone (de langue allemande). Le Fédéral, les Communautés et les Régions ont chacun leur gouvernement et leur parlement. Sauf en Flandre, il n’y a qu’un seul gouvernement et parlement pour la Région flamande et la Communauté flamande.
Des compétences éclatées
Vous suivez toujours ? Parce que ce n’est pas fini… Chaque niveau de pouvoir prend des décisions dans les matières, les compétences qui lui sont attribuées. Par exemple, les Communautés sont compétentes pour la culture, l’enseignement, l’aide aux personnes… La Communauté française (Fédération Wallonie-Bruxelles) décide dans ces domaines pour les francophones de Bruxelles et de Wallonie. La Communauté germanophone, elle, décide pour les Wallons de langue allemande.
9 ministres de la santé
Ce paysage institutionnel belge est souvent appelé « lasagne institutionnelle ». Vous l’aurez remarqué, son fonctionnement est déjà assez compliqué en temps normal. Alors, en période de crise, quand il faut prendre des décisions et s’organiser dans l’urgence, ces difficultés sont encore plus visibles.
Un exemple: la crise à cause de la maladie du Covid 19.
Qui dit crise sanitaire, dit santé. Or, en Belgique, il n’y a pas qu’un seul ministre responsable de la santé, mais 9 ! Au niveau fédéral, régional et communautaire, on trouve des ministres qui s’occupent de la santé ! Ce sont 9 ministres et donc 9 ministères qui exercent une partie de cette compétence. Au niveau fédéral, il y le ministère de la santé publique. Il s’occupe de l’organisation des soins et de l’assurance maladie. Il encadre le fonctionnement de la Sécurité sociale. C’est un peu le pilotage général de la santé en Belgique.
Les Régions ont aussi beaucoup de responsabilités en matière de santé. Les Régions s’occupent des maisons de repos, des soins à domicile et d’une partie de la politique des hôpitaux. Il y a donc pour les Régions, un ministre flamand, un ministre wallon et trois bruxellois (un francophone, un néerlandophone + un ministre qui s’occupe de la prévention en matière de santé).
Pour les Communautés, en Fédération Wallonie-Bruxelles, il y a un ministre de la politique de santé liées à la petite enfance et un autre qui s’occupe des professions médicales. Et enfin, un ministre pour la Communauté germanophone. Rien que ça pour un si petit pays !
Pas que la santé
Et la crise sanitaire n’est pas qu’une question de santé. D’autres compétences sont concernées. Par exemple, l’enseignement, pris charge par les 3 Communautés. Ou encore, l’économie, gérée à la fois par le Fédéral et les Régions. Là encore, différentes institutions et différents ministres se partagent ces matières.
Une lasagne qui se défait ?
Pour gérer la crise sanitaire du Covid19, le gouvernement fédéral de Sophie Wilmès est à la manœuvre (lire : Un gouvernement fédéral contre le coronavirus ). Mais, selon l’avocat et le professeur de droit, Marc Uyttendaele : « Les lignes de partage des compétences entre l’autorité fédérale et les entités fédérées sont confuses et source permanente de tension, de malentendus et de conflits. » Il explique : « La lutte contre la pandémieune grande épidémie qui touche beaucoup de pays et une partie importante de la population mondiale. est une compétence fédérale, c’est incontestable. Les entités fédérées, cependant, sont compétentes pour régler le sort des maisons de repos ou pour prendre des initiatives en matière de médecine préventive. Où s’arrête la compétence de l’une pour que commence celle des autres ? Nul ne peut l’établir avec certitude. » (dans Le Soir] )
Philippe Leroy, le patron de l’hôpital CHU Saint-Pierre à Bruxelles, dénonce lui aussi ces failles du système institutionnel belge. Il parle de « lasagne de responsabilités » entre Fédéral, Régions et Communautés. Selon lui, « trop d’entités disposent d’un morceau de compétence et ont quelque chose à dire » et « chacun a peur de marcher sur les platebandes de l’autre ». (dans L’Écho)
Les limites du système institutionnel « à la belge » se sont fait sentir par exemple dans la gestion des masques en tissu promis à chaque citoyen. Tout est lent et compliqué à mettre en œuvre. Et chaque niveau de pouvoir renvoie la responsabilité à l’autre. Pour Marc Uyttendaele : « Cette lasagne institutionnelle, faite de compétences démultipliées et enchevêtrées, est une source d’inefficacité. »