mercredi 24 avril 2024

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PERSEPOLIS, un sacré tempérament

Pourquoi ne pas regarder parfois un film qui n’est pas habituel ? Un film adapté d’une bande dessinée. Un film qui ne fait pas dans les effets spéciaux d’Hollywood. Un film qui, tout en étant du cinéma, retrouve parfois le charme de la vignette de BD. Un film presque tout en noir et blanc avec des nuages de gris. Un film avec des décors en formes géométriques. Ce film, c’est Persépolis, sorti en 2007.
Ce film raconte les souvenirs d’une enfant qui a grandi pendant la révolution iranienne. Des souvenirs où se mêlent la politique, l’amour, la vie et la mort. Des souvenirs d’horreur mais aussi de beauté. Des souvenirs tragiques mais aussi comiques. Ce sont les souvenirs d’enfance et d’adolescence de Marjane Satrapi, une Iranienne, née en 1969, qui vit aujourd’hui en France. Marjane Satrapi avait fait de ses souvenirs, 4 volumes de bande dessinée parus entre 2000 et 2003. Elle vient d’en faire un film, Persepolis, réalisé avec un autre auteur de BD, Vincent Paronnaud. Le film a eu le Prix du jury au dernier Festival de Cannes.

Une histoire douloureuse

L’histoire de Persepolis est parfois douloureuse. On parle d’arrestations, de disparitions, de tortures, de dénonciations sous le pouvoir du chah comme sous le pouvoir chiite. On parle de la terrible guerre entre l’Iran et l’Irak. On voit la religion étouffer les libertés. On voit aussi les excès religieux tournés en ridicule. On voit comment la jeunesse iranienne vit quand même sa jeunesse, presque clandestinement. Cette jeunesse iranienne, comme Marjane, le personnage principal du film Persepolis, a un sacré tempérament malgré la dureté et la répression du régime iranien.

Car elle a un sacré tempérament, Marjane. Marjane a 8 ans. Elle est iranienne. Elle vit à Téhéran, la capitale du pays, avec sa famille. On est en 1978. Le chah d’Iran, dictateur, est encore au pouvoir mais plus pour longtemps.

Une révolution qui bouleverse tout

La vie de Marjane bascule presque en même temps que l’histoire de son pays. Sa grand-mère lui apprend que son grand-père était communiste et a été fusillé sous le pouvoir du père du chah. En 1979, c’est la révolution iranienne. Le chah d’Iran doit fuir. L’oncle de Marjane, lui aussi communiste, est libéré. Il croit encore à la révolution même quand elle change de visage, quand les islamistes arrivent au pouvoir et que le régime se durcit. L’oncle sera emprisonné et exécuté. « En 2 ans, notre quotidien a changé de visage et nous aussi » dit Marjane. On la voit alors avec le foulard sur la tête. Mais avec son sacré tempérament, elle inscrit au dos de sa veste, en orthographe anglaise approximative, « PUNK IS NOT DED » (le punk n’est pas mort). Elle achète en cachette des cassettes audio d’Iron Maiden après avoir été fan des Bee Gees et avoir trouvé le groupe ABBA, « nul ». Elle conteste sa professeure de religion. Pour lui éviter des ennuis à l’école, ses parents l’envoient en Autriche. Elle découvre la vie occidentale et une pension de « bonnes soeurs » qui ressemblent étrangement aux gardiennes de la révolution de l’Iran qu’elle vient de quitter. Sacré tempérament, Marjane, dans sa vie d’adolescente aussi. Ses premières amours et premières désillusions. Le retour à Téhéran. La déprime. Puis la rage de s’émanciper, d’aller à l’université. Elle est amoureuse et doit se marier pour éviter les ennuis avec les religieux. Mais sa vie de couple traditionnel l’ennuie. Elle quitte son mari et l’Iran. Elle s’envole pour la France.

Exil et liberté

Dans ce combat pour la liberté, Marjane est soutenue par sa famille et surtout par sa grand-mère. Une grand-mère qui déteste le foulard, fume la pipe et parle franchement. Elle n’hésite pas à dire des gros mots comme « con », « petite bite » et même « salope ». Une grand-mère qui sent bon parce qu’elle cueille tous les matins des fleurs de jasmin et les glisse dans son soutien-gorge. Une grand-mère qui a encore les seins bien ronds car, dit-elle, elle les trempe tous les jours 10 minutes dans l’eau glacée. En partant pour la France, Marjane ne reverra plus sa grand-mère qui mourra en Iran. « Toute liberté a un prix », dit Marjane. Et Persepolis est un film libre. Libre parce qu’au travers du noir et blanc et de ses formes rigides qui mettent à distance le spectateur, ce film nous montre ce qu’est la vie.

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