Ciudad Juarez est une ville mexicaine. Depuis 1993,
près de 400 femmes
y ont été violées, torturées, mutilées et
assassinées. La police et les autorités locales n’ont pas
l’air de faire grand-chose pour mener une véritable enquête
et trouver les coupables. Amnesty International et d’autres associations
se mobilisent pour défendre le droit de ces victimes.

Ciudad Juarez est situé dans l’Etat de Chihuahua. Ciudad Juarez
est à la frontière des Etats-Unis d’Amérique. Ciudad
Juarez est au bord du Rio Bravo. De l’autre côté, c’est
la ville El Paso au Texas. Ciudad Juarez, on imagine une ville de film western.
Au vu de ce qui s’y passe depuis plus de 10 ans, Ciudad Juarez pourrait
plutôt être le décor d’un film d’horreur. Depuis
1993, près de 400 femmes de la région ont été assassinées
dans des circonstances obscures. Les corps de femmes ou de jeunes filles sont
retrouvés mutilés, torturés, ayant subi des violences
sexuelles… A Hollywood, on pourrait en faire un scénario avec un super
tueur en série. Un tueur si malin qu’il échappe à toutes
les polices. La réalité est plus dramatique encore.

L’horreur

Ciudad Juarez est une ville de plus de 1 200 000 habitants. Elle est un centre
de trafics en tous genres: drogues, bijoux volés, prostitution… Il
y a des bandes de voleurs, de criminels, de mafias locales. Depuis plus de
10 ans, la police et la justice de la ville n’ont pas réussi à mettre
la main sur les coupables. Pour faire cesser le scandale de cette injustice
et de cette impunité, Amnesty International et d’autres associations
se mobilisent. Depuis plusieurs années, elles demandent aux autorités
mexicaines de faire la lumière sur ces affaires. Le mois dernier, ces
associations ont organisé une manifestation à Ciudad Juarez.
A cette occasion, des actrices américaines d’Hollywood ont rejoint
des Mexicaines et des Mexicains.

Car les autorités locales veulent-elles vraiment trouver la vérité?
La police n’a jamais enquêté sérieusement. Sous la
pression de l’opinion internationale, le Mexique et le président
Vincente Fox ont déjà demandé plusieurs rapports indépendants.
Ces rapports dénoncent la passivité de la police, des recherches
bâclées ou inexistantes… On attend donc toujours une véritable
enquête. Mais que se passe-t-il donc depuis dix ans à Ciudad Juarez?
Comment se fait-il que ces centaines de disparues émeuvent si peu les
autorités locales?

Victimes du travail ?

La majorité de la population vit dans des bidonvilles et dans l’insécurité.
Les gens riches, eux, sont dans des quartiers bourgeois, bien protégés.
La majorité des femmes disparues sont pauvres, souvent sans famille,
venues d’autres régions du Mexique. Beaucoup étaient des
ouvrières de maquilas. Il s’agit des usines d’assemblage
qui se développent un peu partout en Amérique centrale. Ces maquilas
permettent aux grandes firmes mondiales de fabriquer des produits à bas
prix. Ces firmes, souvent américaines, s’installent dans des régions
pauvres. Elles profitent de réductions d’impôts et des avantages
de toutes sortes accordés par les pouvoirs publicsL'Etat, le gouvernement, les administrations du pays. En échange,
ces firmes “offrent” un emploi à la population locale ou à des
immigrés.

A Ciudad Juarez, il y a près de 300 usines de ce type. 200 000 personnes
y travaillent. Mais ces travailleurs, et surtout ces travailleuses, ne sont
pas des travailleurs comme les autres. Ils n’ont pas de droits sociaux.
Ils ne sont payés que quelques euros par jour. Pour épargner
les frais de bus, certaines ouvrières partent de leur bidonville à 4
heures du matin pour aller à pied à l’usine. D’autres
font du stop. Sur le chemin du travail, certaines sont enlevées, puis
assassinées. Ciudad Juarez n’est pas une ville de western. Ciudad
Juarez est une ville ouvrière du monde moderne. Travailleuses anonymes,
même la mort des femmes de Ciudad Juarez ne mérite pas de publicité…

Thierry Verhoeven