Amy a 45 ans, elle vient du Niger, pays d’Afrique. Elle vit depuis 11 ans en Belgique et elle dit :
« J’ai eu un titre de séjour pour pouvoir rejoindre mon mari nigérian dans le cadre du regroupement familial. C’est mon mari qui s’occupait des démarches administratives. Il n’a pas fait les bonnes démarches pour que ma carte de séjour soit renouvelée après 5 ans. Quand je m’en suis rendue compte, il était trop tard. Car entretemps mon mari avait perdu son emploi et ma carte de séjour ne pouvait plus être renouvelée. Mon mari est ensuite parti travailler à l’étranger. Sans titre de séjour, je n’ai pas pu le suivre. Avec la distance, nous nous sommes finalement séparés. Je suis aujourd’hui toujours sans-papiers. »
Amy peut comme tous les sans-papiers faire une demande de régularisation. Mais les choses ne sont pas simples. Explications.
Une exception
La régularisation est une procédure exceptionnelle. Comment ça marche ?
Une personne en situation irrégulière peut demander à l’Office des étrangers une autorisation de séjour en Belgique pour des raisons humanitaires ou des raisons médicales.
L’Office des étrangers examine la demande. L’Office des étrangers est sous l’autorité du Secrétaire d’Etat à l’asile et applique les décisions du politique. Si le Secrétaire d’Etat à l’asile dit oui, la personne reçoit une autorisation de séjour d’un an. C’est ce que l’on appelle la carte A. La personne est régularisée pour un an. La carte peut être renouvelée tous les ans. Au bout de 5 cartes d’un an, la personne a droit à un séjour illimité. C’est ce que l’on appelle la carte B.
Régulariser pour raisons de santé
Quand la personne demande une régularisation pour raisons médicales, on peut résumer l’article de loi ainsi : la personne peut être régularisée quand elle a une maladie grave que l’on ne peut pas soigner dans son pays d’origine. C’est presque clair. Presque mais pas tout à fait. Interrogée par la chaine publique RTBF[1]<*>Article paru sur le site de la chaine publique RTBF, « Régularisation des sans-papiers : des critères trop flous et trop d’arbitrairequi n'est pas lié à des règles précises, qui dépend de la seule volonté. ? », cliquer ici., Sylvie Sarolea, professeure de droit international à l’UCLouvain et avocate spécialiste du droit des étrangers précise : « C’est subjectif parce que cela pose des tas de questions. Qu’est-ce que cela signifie ‘que l’on ne peut pas soigner ?’ Ça veut dire que les médicaments n’existent pas ? Qu’ils existent mais sont de moins bonne qualité ? Qu’ils sont inaccessibles parce qu’ils sont chers ? Cela pose de nombreuses sous-questions et cela peut entraîner des discussions interminables.»
Régulariser pour circonstances exceptionnelles
Quand la personne demande une régularisation pour circonstances exceptionnelles, ce n’est pas clair du tout. Pour séjourner en Belgique, la personne doit normalement faire la demande au consulat belge dans son pays d’origine. Pour Sylvie Sarolea: « L’idée, c’est que l’on ne puisse pas « mettre le pied dans la porte », Mais si on est déjà sur le territoire, on peut faire cette demande dans des circonstances exceptionnelles. » Pour l’avocate : « On a donc ici deux niveaux de subjectivitéAttitude d'une personne qui juge une situation selon sa personnalité et pas selon la réalité des choses., deux filtres : est-ce qu’il y a une circonstance exceptionnelle qui justifie que la personne n’ait pas fait la demande dans son pays ? Et un deuxième niveau de subjectivité : est-ce que dans ce cas-là, cela justifie de donner un titre de séjour ou pas ? »
L’arbitraire
Un autre avocat interrogé lui aussi par la RTBF, Pierre Robert dit: « On a l’impression d’être soumis à l’arbitraire au niveau des décisions qui sont prises. On ne sait pas. On peut juste dire aux personnes qui font une demande de régularisation : « on a l’impression que vous êtes plus ou moins dans ces conditions ». On essaie de deviner quels sont ces critères, en fonction des décisions rendues. »
En effet, l’Office des Etrangers donne ses raisons quand il refuse la régularisation. Il n’en donne pas quand il accepte.
Ces dernières années, environ 50% des demandes sont acceptées. En 2020, il y a eu 1 847 décisions positives (ce qui représente 3 508 personnes au total avec les enfants) et 1 657 décisions négatives. On estime qu’en Belgique vivent 150 000 personnes sans-papiers.