dimanche 8 juin 2025

L’ESSENTIELL’information simple comme bonjour

Des élections dans un mouchoir de poche


John Kerry sera le candidat démocrate
pour les élections américaines
– Photo:
Belga

Les élections présidentielles américaines auront lieu en
novembre prochain. Mais depuis quelques semaines, la campagne électorale
est lancée. Il s’agissait notamment de désigner quel candidat
démocrate affrontera Georges W. Bush.

Souvenez-vous, c’était à la fin de l’année 2000…
Pendant des semaines, on n’a pas su quel candidat sortait vainqueur des élections
présidentielles américaines. Longtemps, on s’est demandé qui
du démocrate Al Gore ou du républicain Bush allait succéder à Bill
Clinton. On sait maintenant qui l’a emporté… Mais de justesse.
Si les élections de 2000 ont été tellement serrées,
c’est aussi à cause d’un troisième candidat: Ralph
Nader, qui représentait les écologistes. En récoltant 2,7%
des votes, Nader a contribué à la défaite d’Al Gore.

En novembre prochain, on saura si Georges W. Bush se succédera à lui-même.
Le président actuel a été retenu par les républicains
comme seul candidat de son parti. Face à lui, deux candidats démocrates étaient
en course: John Edwards et John Kerry. C’est une particularité des élections
présidentielles américaines. Chaque parti désigne son candidat
final par le vote de ses membres dans chacun des Etats du pays. On sait depuis
le 2 mars que c’est John Kerry qui affrontera Bush en novembre.

Un troisième candidat pour brouiller les pistes

A côté de Bush et Kerry, une troisième personne a annoncé sa
candidature le 22 février dernier. Ralph Nader se présente à nouveau,
comme en 2000. Il n’est plus membre du parti écologique, mais il
se présente comme indépendant. Les responsables du parti démocrate
sont furieux. Ralph Nader, c’est sûr, ne sera pas élu. Cependant,
pour le moment, les sondages mettent pratiquement Bush et Kerry à égalité.
Or, les électeurs de Nader représentent la gauche des démocrates.
Résultat: les votes qui iront à Nader seront des voix perdues pour
Kerry! Et Bush devrait en profiter.

La raison qui a poussé Nader à se présenter est la suivante:
il n’y a pas de véritables différences entre les programmes
politiques des démocrates et des républicains. C’est, en
partie, vrai. Mais lors de cette campagne, les deux partis s’opposent sur
certains thèmes. Des exemples? La guerre en Irak, les moyens de lutter
contre le terrorisme international, l’environnement, les droits des minorités,
la sécurité sociale… Sur ces deux derniers points, les démocrates
se démarquent particulièrement du conservatisme extrême proposé par
Georges W. Bush.

Bush est populaire, malgré tout

En Europe, on a tendance à croire que l’actuel président
ne sera pas réélu. Pourquoi? Parce qu’il a menti sur les
raisons de la guerre en Irak, parce qu’il favorise les habitants les plus
riches et les grandes entreprises, parce qu’il n’a pas la capacité intellectuelle
pour être président. A l’inverse, John Kerry est un homme
brillant qui a aussi un passé glorieux dans l’armée, lors
de la guerre du Vietnam. A son retour du front, il a montré son désaccord
avec cette guerre en rejoignant les pacifistes.

Mais les spécialistes soulignent un élément qui devrait
avantager Georges W. Bush. Le président américain est particulièrement à l’aise
sur le terrain, lorsqu’il va à la rencontre des citoyens américains.
A ce moment-là, il sait attirer la sympathie et faire oublier ses manques
ou ses erreurs. Un exemple. L’image du président Bush, parmi les
sauveteurs sur les ruines des tours détruites par les attentats en septembre
2001, est toujours très forte aux Etats-Unis. De côté-ci
de l’Atlantique, on ne se rend pas compte de l’importance de ces
gestes symboliques. Par contre, si la situation continue à se dégrader
en Irak, cela pourrait bien mettre Bush en danger. Suspense, donc…

Marc Vandermeir

Une réponse

  1. Lu dans le Figaro du 18 octobre

    Un réel déficit démocratique

    Le peuple américain s’apprête, le 2 novembre, à se rendre aux urnes pour désigner ses grands électeurs et, ce faisant, son président… Mais aussi pour élire des fonctionnaires, des juges, des shérifs, des procureurs et pour répondre à quantité de référendums ou de consultations locales.

    Les électeurs du Colorado devront ainsi se prononcer sur le mode de scrutin applicable à la désignation des grands électeurs de cet État. En effet, alors que la grande majorité des États américains applique un scrutin de liste majoritaire à un tour dans une circonscription unique, l’amendement soumis à référendum ce 2 novembre permettrait de désigner les grands électeurs du Colorado à la proportionnelle. Et cette modification serait applicable à l’élection en cours. En l’état actuel des sondages, cela aurait pour effet de répartir les neufs grands électeurs entre Bush et Kerry. Ce qui, au vu du résultat des élections de 2000, pourrait changer le cours de l’histoire…

    Le système politique américain répond à une double volonté des constituants : d’une part, établir une démocratie aboutie, contrastant avec les tyrannies qu’ils avaient laissées en Europe (d’où le grand nombre de fonctions électives et la pratique très répandue des référendums d’initiative populaire). Et, d’autre part, préserver la logique confédérale qui a fondé les «États unis».

    Par analogie, le déficit démocratique imputable au système électoral américain s’approche grandement de la logique induite par la nouvelle Constitution européenne : la désignation du futur président de l’UE par le Conseil européen correspond assez largement à cette philosophie confédérale. C’est dans ce même esprit que se sont constitués les États-Unis d’Amérique, chaque État acceptant des transferts de souveraineté sans pour autant consentir à l’abandon de sa souveraineté. En ce sens, aujourd’hui encore, il y a, entre le système juridique texan et celui du New Hampshire, autant de similitudes qu’entre l’ordre juridique anglais et le système grec. Cette diversité est occultée, toutefois, par le fait que les États-Unis parlent d’une seule voix : celle de leur président… Mais n’est-ce pas là le but poursuivi par les constituants européens ?

    La multiplicité des systèmes normatifs aux États-Unis constitue le coeur du problème de l’élection de 2004, et sans nul doute le fondement de nos incompréhensions. Mais la réalité est là : il existe autant de systèmes électoraux qu’il y a d’États et tout autant de cultures politiques et juridiques. Or, parce que l’organisation de l’élection incombe aux États fédérés, et en raison du coût des élections et du fort taux d’abstention, les États tendent à concentrer plusieurs scrutins ce même jour. D’où la complexité des bulletins et l’imbroglio de l’élection présidentielle de 2000.

    Le remplacement des machines de vote désuètes du très polémique comté de Palm Beach ne résout pas le problème. D’une part, parce que les nouvelles machines à écran tactile sont sujettes à caution. D’autre part, parce que la question des élections de 2000 va en réalité bien au-delà de la Floride : les seules villes de New York et de Chicago ont vu plus de bulletins indûment invalidés que l’État de Floride dans son entier. Plusieurs rapports (comme celui de la League of Women Voters) font état de purges abusives des listes électorales et de cas d’intimidation. La démocratie américaine est-elle en danger ? Ou encore, pour reprendre les mots de Stephen Wayne, professeur à Georgetown University : «Est-ce une façon de mener une élection démocratique ?» («Is this a way to run a democratic election ?»)

    La question, maintes fois posée, mérite une réponse nuancée. La démocratie américaine est assurément surprenante. L’alignement partisan et la convergence des programmes électoraux masquent parfois des lignes de partage politiques autres. Ainsi, le collège électoral est l’objet d’une controverse récurrente. Les uns fustigent une institution pluriséculaire, désuète et déconnectée des réalités sociales. Ils soulignent que, contrairement au mythe, tous les grands électeurs n’ont pas un mandat impératif, puisque, une fois encore, la nature du mandat des grands électeurs est déterminée au niveau fédéré (seuls 27 États imposent à 270 grands électeurs de voter en conformité avec leur allégeance initiale).

    Les autres relèvent l’absence de constitutionnalité du collège électoral. En effet, le terme ne figure pas dans la loi fondamentale américaine : les grands électeurs représentent avant tout leur État, se réunissent par État pour élire le président, et transmettent leurs résultats au Congrès qui les dépouille. Ainsi, ce suffrage universel agrégé État par État, accordant une véritable place aux petits États, peu peuplés, constituerait l’essence de la démocratie américaine, fondée sur la modération, le consensus et le bipartisme.

    Le débat demeure. Et ce mode de désignation du chef de l’exécutif sera de nouveau mis à l’épreuve au cours de l’élection de novembre prochain, qui s’annonce serrée. Si le système électoral américain opère un compromis entre la logique démocratique et la logique fédérale, il reste qu’il est à l’origine d’un réel déficit démocratique. Le modèle confédéral américain aurait-il vécu ? L’Europe construit un système similaire… Dans certains États européens, les minorités peuvent difficilement accéder à la votation, des électeurs s’expriment dans des circonscriptions dans lesquelles ils ne vivent plus, et il arrive même que les morts votent… La différence ? Nous n’élisons pas un président européen… Du moins pas encore, et avec des pouvoirs infiniment moindres !

    Par Élisabeth VALLET *
    [18 octobre 2004]
    * Docteur en droit, chercheur à la chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques de l’université du Québec à Montréal. Elle vient de publier (en codirection) Les élections présidentielles américaines aux Presses de l’Université du Québec.

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