Le jeune: Pour faire simple, on peut voir l’écriture de manière classique. Celui qui écrit a beaucoup d’imagination. Il sait manier la langue. Il écrit presque naturellement. Celui qui écrit prend son stylo ou se penche sur son clavier et il nous raconte facilement une histoire. Celui qui écrit a quelque chose à dire. Son texte n’est que la reproduction noir sur blanc de ce qu’il a à dire.
Le vieux ronchonpersonne souvent mécontente qui parle entre ses dents pour dire sa mauvaise humeur, qui grogne: C’est ça. Il a un don, il est « né comme ça ». Nous n’avons pas beaucoup d’imagination, nous ne sommes pas doués. Plus grave encore, nous faisons des fautes d’orthographe ou de grammaire. Tant pis ! Nous le savons : l’écriture, ce n’est pas pour nous.
Le jeune:Attendez… Il y a une autre manière de voir l’écriture. Tout le monde peut écrire. L’écriture, c’est tout simplement un travail et un travail qui peut se faire dans la joie ! Le menuisier pour faire un meuble a une matière première : le bois. Il a aussi des outils pour le travailler : la scie, le rabot, le ciseau ou le maillet. Et souvent, il siffle en construisant son meuble, satisfait de ce qu’il fait. Pour écrire, nous avons une matière première : les mots et les phrases. Nous avons aussi des outils pour les travailler.
Le vieux ronchon: Mais lesquels ? On a dit qu’on n’avait pas beaucoup d’imagination et qu’on faisait des fautes ! On va se retrouver, seul, angoissé devant la page blanche, oui ! On va suer et on n’aura pas le cœur à siffloter !
Le jeune:Attendez… Bon, on est d’accord. On n’est pas des grands écrivains. On n’est pas Victor Hugo, Rimbaud ou Mallarmé. On n’écrira même pas des « romans de gare », ces romans qui se lisent sans effort dans le train. Mais on peut écrire des petites choses et écrire dans la joie. Pour cela, il faut se donner des outils. Ce sont les règles, c’est comme dans tous les jeux.
Le vieux ronchon: On n’est pas des enfants !
Le jeune:L’écriture n’est pas un jeu d’enfants mais elle peut être un jeu.
Le jeune:1ère règle
On ne joue pas seul ! On doit s’amuser et c’est plus gai en groupe.
Et puis, il y a plus d’idées dans plusieurs têtes que dans une.
Le vieux ronchon:Bon, c’est vrai.
Le jeune:2e règle
On doit utiliser des dictionnaires, on peut aussi utiliser des journaux, des magazines, des extraits de livres, etc. et même ces ennuyeux manuels de grammaire et de conjugaison.
Le vieux ronchon:Et puis comme ça au moins, on ne fait pas de fautes.
Le jeune:Oui mais, dans un premier temps, c’est pas ça le plus important. L’important, c’est d’avoir sous la main le maximum de mots. Ca évite de trop se creuser la tête sinon c’est pas amusant.
Le jeune:D’où la 3e règle
Ce sont les mots qui donnent les idées et pas les idées qui donnent les mots.
Le vieux ronchon:Comment ça ?
Le jeune:Un « vieil » exemple : le cadavre exquis, un jeu inventé par des poètes vers 1925. Ca se joue à plusieurs. Sur une feuille de papier pliée en accordéon, chacun écrit en secret la partie d’une phrase. On décide avant la structure de la phrase comme, par exemple : un nom puis un adjectif puis un verbe puis un nom puis un adjectif. Comme on ne connaît pas les mots des autres, le résultat est souvent amusant. La première phrase trouvée par les poètes était : Le cadavre exquis boira le vin nouveau. Il y a eu aussi : Le ciel entier cache mon amour. Et on peut varier le jeu : faire des phrases plus compliquées, les mettre au conditionnel. Par exemple, le premier joueur doit écrire une condition fort connue « Si les poules avaient des dents », « Si j’avais encore 20 ans », etc. Sans connaître l’expression choisie, le 2e joueur doit faire une phrase au conditionnel. Le résultat peut être amusant comme : « Si j’étais riche, les sens interdits n’existeraient pas ». C’est plein de surprises. C’est le choc des mots qui est amusant et ça peut aussi faire réfléchir.
Le vieux ronchon:Et on apprend la conjugaison?
Le jeune:Oui, on peut même analyser les phrases : la place du complément direct, indirect, etc. Mais il ne faut pas oublier que c’est un jeu. Il faut jouer sérieusement mais ne pas se prendre au sérieux. On n’est pas des Victor Hugo, des Rimbaud ou des Mallarmé quand même, hein! Enfin, faut voir…