jeudi 23 janvier 2025

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Les « patronnes » de charbonnage

Nous continuons la série de portraits de femmes qui ont eu un rôle important dans l’histoire ou qui ont un rôle important aujourd’hui. Des femmes qui ont dû se battre pour être reconnues, des femmes qui ont participé, chacune à leur façon, à l’émancipation de toutes les femmes. 

Qui connait le nom d’Eulalie Desmanet ? Presque personne… Et pourtant, elle a joué un grand rôle aux origines de la création du Bois de Cazier, un charbonnage de la région de Charleroi. En Wallonie, on connait plutôt bien le Bois du Cazier à Marcinelle à cause de la catastrophe. C’est là qu’a eu lieu une des plus grosses catastrophes de l’histoire des charbonnages en Belgique. C’était en août 1956, il y a eu un incendie dans la mine et cet accident a fait 262 morts. A ses débuts, le Bois du Cazier, c’était une affaire de femmes. L’Essentiel a appris cette histoire lors d’une conférence au Bois du Cazier1.


Eulalie, la 1re génération

Eulalie Desmanet est la fille d’une famille de fonctionnaires allemands les « Propper ». C’est une grande famille qui possède des châteaux… La famille a été anoblie et ils sont devenus des vicomtes et vicomtesses. Avec un petit « de ». Son nom complet de jeune fille est Eulalie de Propper de Hun. A 24 ans, elle se marie avec Jean Joseph Desmanet, un cousin. Il est propriétaire de forges, il en possède plusieurs, il est un maître de forges.

A la mort de son mari par contrat de mariage, c’est elle qui devient la « maître »  des forges, elle gère les affaires et les domaines. A l’époque, une femme veuve avait des droits qu’une femme jamais mariée n’avait pas.

Quand le fils de sa tante, le Baron de Cazier, meurt, il n’a pas d’héritier. Il lègue ce qu’il possède à ses cousins du côté paternel et maternel, son neveu et sa nièce par alliance, Mme Desmanet. Les 2 héritiers se partagent l’héritage et elle garde des bois à Marcinelle.
 

En 1822, la Belgique est sous domination hollandaise et l’industrie se développe de plus en plus2.

Elle demande l’autorisation d’exploiter le sous-sol de ses bois pour en extraire du charbon (la houille). Elle obtient l’autorisation. La concession s’appellera Bois du Cazier en mémoire du Baron de Cazier. Le charbonnage du Bois du Cazier, associé généralement à un monde d’hommes, est donc né de la volonté d’une femme. Elle meurt en 1826, et ne connait que les débuts du futur charbonnage.

Marie-Thèrèse, la 2e génération

Elle a 2 enfants, une fille, Marie-Thérèse et un fils, François. Ils héritent de ses biens, dont le charbonnage. Très vite, seul le nom de sa fille apparaît dans les documents. Ils se sont sans doute arrangés sur le partage de l’héritage. Elle a obtenu la concession du charbonnage. Marie-Thérèse est mariée c’est son mari qui est chargé des finances notamment parce qu’à l’époque une femme n’avait pas de compte en banque. Mais de nombreuses lettres lui sont adressées. Ces lettres parlent de l’exploitation des mines. Elles montrent que Marie-Thérèse était très impliquée dans la gestion du charbonnage. Lorsque son mari décède, elle reprend la totalité de la gestion des affaires du Bois du Cazier.

En 1861, elle crée La Société Charbonnière du Bois du Cazier. Elle apporte la concession, les partenaires apportent leurs connaissances en matière de mine et de l’argent. La société compte 1 000 actions. Les actions sont les parts d’une société qu’une personne possède. Elle en possède 500 et les 500 autres appartiennent à 16 hommes d’affaires de Bruxelles et de Wallonie. C’est elle qui a le plus d’actions.

Laure-Isabelle, la 3e génération

A la mort de Marie-Thérèse en 1866, ce sont les enfants, Laure-Isabelle et Ernest qui héritent de tout. Ils sont tous les 2 propriétaires du Bois du Cazier. Elle est mariée et, contrairement à sa mère, c’est son mari qui s’occupe des affaires. Dans les années 1870, il y a une crise économique importante. Le mari de Laure-Isabelle et son frère transforment la société en Société Anonyme. Ils sont actionnaires majoritaires. Mais les affaires ne vont pas très bien, ils revendent toutes leurs actions en 1877 et  la société continue jusqu’en 1886.

C’est le départ de la famille fondatrice du charbonnage du Bois du Cazier. La 1re génération a lancé les affaires, la 2e les a développées, tandis que la 3e génération a finalement tout revendu.

  1. Conférence Eulalie Desmanet, par Aude Musin, historienne, collaboratrice scientifique au Musée du Bois du Cazier. ↩︎
  2. Les industries engagent de plus en plus d’ouvriers. Les hommes, femmes et enfants qui travaillent dans les usines vivent dans des conditions misérables.
    ↩︎
Affiche pour les journées du matrimoine à Charleroi. Illustrations ©Gaëlle Defeyt
Le « C » surmonté de 3 triangles est le sigle de la Ville de Charleroi.
Les 3 triangles symbolisent une couronne et aussi les terrils
qui sont nombreux dans la région de Charleroi
.

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