Ce qu’en dit Olivier Brouet
J’avais vingt-cinq ans. J’écrivais mes premières lignes dans la rubrique économique du journal Le Soir, à Bruxelles. Qui de Lydia ou moi a fait le premier pas ? Ma mémoire me fait défaut, mais la perspective de collaborer à l’Essentiel m’a immédiatement plu.
Il y avait ces lecteurs, assoiffés de connaissances. S’alphabétiser. Apprendre
à déchiffrer. Apprendre à déchiffrer le monde. L’un ne va pas sans l’autre. L’accès à l’information pour le plus grand nombre, à défaut de tous, et pourquoi pas ? Il ne faut jamais cesser de rêver. Le rêve nourrit l’action. L’action transforme la scène. Une petite pierre à l’édifice d’un monde meilleur. J’aurais été idiot de ne pas la saisir.
Il y avait cette liberté de traiter les thèmes qui me passionnaient le plus : la politique, les enjeux sociaux et économiques, les relations internationales.
L’Essentiel m’offrait chaque mois la possibilité de m’arrêter sur un sujet brûlant, de l’étudier en profondeur, de m’efforcer d’en dégager les clés et de les partager.
Il y avait cette contrainte constructive : faire court et simple. Ne pas crâner. Ne pas en faire des tonnes. Ne rien laisser dans l’ombre, non plus. Ne rien prendre pour argent comptant. Ne rien considérer comme acquis. Prendre le temps de définir ce que l’on croyait su de tous mais qui n’était compris que de certains. Prendre le temps de remettre les faits dans leur contexteLes circonstances, les conditions, les explications d'un événement, d'un fait, d'une action. Rappeler le sens des mots, des concepts. L’accessibilité n’est pas l’approximation. L’approximation était interdite. Il fallait faire court, simple, ET juste. Aller à l’essentiel (ah, il portait bien son nom ce mensuel !).
J’espère y être parvenu, ne fût-ce qu’une fois. Je n’ai qu’un regret : celui de ne jamais avoir eu d’échanges avec un lecteur. En fait, je mens ; une connaissance m’a un jour pris à part et expliqué qu’il lisait régulièrement mes articles pour se remettre les idées en place sur l’actualité internationale. Ce lecteur était… journaliste pour les pages internationales d’un grand quotidien bruxellois.
Il y avait cette bande de doux rêveurs qui portaient le projet à bout de bras. À peine nous sommes-nous vus pendant la dizaine d’années de ma collaboration avec l’Essentiel, et pourtant nous souquions vers le même port. Nous avions inventé le télétravail, ou plutôt le téléjournal, bien avant qu’un virus en forme
de mine marine impose l’isolement comme normenombre qui donne la mesure règlementaire sociale.
Il y avait, enfin et surtout, Lydia, qui traçait les lignes, insufflait l’enthousiasme, ramenait les brebis égarées et luttait toutes griffes dehors pour préserver la liberté éditoriale de l’Essentiel, quitte à s’exposer aux foudres de ses mandants.
Il y a toujours Lydia. Il y a toujours L’Essentiel.