jeudi 9 mai 2024

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Migrant, réfugié? Le poids des mots

Comment faut-il appeler les personnes qui fuient la guerre et les violences, la misère et qui cherchent une protection dans un autre pays ? La question est délicate. Voici quelques éléments de réponse par quelques définitions. Il est impossible de présenter tout ce que ces mots veulent dire. Nous vous donnons ici quelques repères pour réfléchir au sujet.

Demandeur d’asile

Fin 2022 à Bruxelles, des demandeurs d’asile enregistrés n’ont pas de place dans les centres d’accueil.

Un demandeur d’asile est une personne qui a demandé officiellement l’asile. En attendant la décision, cette personne a le droit de vivre dans le pays où elle a demandé asile. Quand elle est reconnue comme réfugiée, cette personne reçoit un permis de séjour pour vivre dans le pays. Dans la presse, c’est souvent les mots utilisés quand on parle d’arrivée « massive » de migrants même si la plupart des personnes n’ont pas encore fait leur demande officielle.

Exilé

Ce livre permet de mieux comprendre le migrant en tant qu’exilé pour mieux l’accueillir et créer un meilleur droit d’asile et peut-être créer un droit d’exil. (La Condition de l’exilé d’Alexis Nouss, Editions Maison des Sciences de l’homme)
 

Le mot « exilé » est sans doute le mot le plus juste. L’exilé est une personne qui a été obligée de quitter son pays et de vivre ailleurs qu’à l’endroit où il aime vivre. Le mot n’a pas de sens juridique précis comme « réfugié » et est, par contre plus précis que « migrant ». Le mot est aussi plus porteur d’émotion : vivre en exil, c’est aussi vivre une douleur… Mais le mot n’est pas ou presque pas utilisé.

Expatrié

L’influenceuse Nabila, expatriée à Dubaï

Dans son sens général, un expatrié est une personne qui a quitté sa patrie (son pays) volontairement ou qui a été obligé de le faire. Mais de plus en plus, aujourd’hui, ce mot désigne des personnes issues des pays occidentaux (des pays riches) qui partent s’installer et travailler dans un autre pays. On dira d’un Belge qui s’installe en Inde, par exemple, que c‘est expatrié et d’un Indien qui s’installe en Belgique, on dira qu’il est migrant ou immigré. Il y a dans cette différence de mot, une manière différente de considérer les personnes, on peut même dire que c’est un reste du sentiment de supériorité des Occidentaux. Je me souviens de ce que me disait un ami : « Je connais un Français expatrié en Thaïlande. Il est très content et il vient d’engager une femme de ménage qui travaille très bien pour pas cher. C’est une immigrée des Philippines… »

Immigré

Brochure du gouvernement belge pour accueillir les travailleurs immigrés italiens.

C’est une personne qui a quitté son pays pour s’installer dans un autre pays. Le nom est souvent associé au travail. Dans le langage courant, les immigrés sont des personnes venues nombreuses et par « vague » dans un pays pour travailler. Et généralement, ils sont venus suite à des accords entre Etats. On cite souvent l’exemple des Italiens venus travailler dans les mines en Belgique après la 2e Guerre mondiale.  On a d’ailleurs parlé des « immigrés de la 2e génération » dans les années 1960 et 1970.

Lire aussi notre article Brève histoire de l’immigration en Belgique

Migrant

Petite fille au camp de Moria en Grèce sur l’île de Lesbos en 2020. On oublie souvent que les migrants, ce sont aussi des femmes et des enfants.

Personne en cours de migration, de déplacement. Mais le mot « migrant » n’est pas tout à fait satisfaisant car on peut être migrant simplement parce que l’on a envie de changer de pays. Il n’existe pas de définition juridiquement reconnue du terme « migrant ». Selon les Nations Unies, un « migrant » est  « toute personne qui a résidé dans un pays étranger pendant plus d’une année, quelles que soient les causes, volontaires ou involontaires, du mouvement, et quels que soient les moyens, réguliers ou irréguliers, utilisés pour migrer.» Autre point important: il n’y a pas de « crise des migrants », il y a une crise de l’accueil des migrants car les Etats refusent de les accueillir dignement.

Lire aussi notre article sur ce livre de Patrick Chamoiseau, Frères migrants parmi nous vivez!

Réfugié

Le réfugié (ici la réfugiée) reconnu reçoit un titre de séjour pour séjourner légalement dans un pays

Au sens juridique, l’article 1 de  la Convention de Genève de 1951, approuvée par 145 pays, définit un réfugié comme « une personne qui se trouve hors du pays dont elle a la nationalité ou dans lequel elle a sa résidence habituelle, et qui du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social déterminé ou de ses opinions politiques craint avec raison d’être persécutée et ne peut se réclamer de la protection de ce pays ou en raison de ladite crainte ne peut y retourner. » Il faut remarquer qu’en 1951, on parlait encore de « race », une notion qui n’a aucune valeur scientifique.

Lors de guerres comme celles de Syrie, d’Afghanistan, d’Irak, de Libye le Haut Commissariat aux Réfugiés des Nations-Unies reconnaît automatiquement les réfugiés de ces pays. Ils n’ont pas besoin d’apporter la preuve de leur persécution, pour le HCR, leur nationalité suffit. Par contre, ce sont les Etats, qui accordent le droit d’asile. Et c’est une autre précision juridique : « est considérée comme réfugiée une personne qui a déposé une demande d’asile et a obtenu le droit d’asile après avoir apporté la preuve que sa vie est sérieusement menacée dans son pays. » Tout réfugié est donc un migrant mais tout migrant n’est pas réfugié.

Sans-papiers, clandestin

Des associations réclament que les sans-papiers soient régularisés. Ici, en Belgique.

Ces mots ne sont plus beaucoup utilisés. Ils désignent des personnes qui vivent dans un pays sans en avoir le droit, sans avoir ce que l’on appelle un « titre de séjour ». Jusqu’il y a quelques années, il y avait de grandes manifestations pour régulariser les sans-papiers, c’est-à-dire pour leur donner le droit de vivre dans le pays parce qu’il y vivent depuis plusieurs années. Plusieurs pays européens ont d’ailleurs fait des lois de régularisation. En Belgique, on estime qu’il y a environ 150 000 personnes qui vivent clandestinement. Des associations réclament d’ailleurs une nouvelle régularisation de ces personnes. Pour ces associations, ces hommes, femmes et enfants ne sont ni des profiteurs ni des criminels. Ils n’ont droit à rien, ou presque, et font les boulots mal payés et durs.

Un article de L’Essentiel qui précise mieux encore S’appeler sans papiers, quelle idée!

Une réponse

  1. « Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde » disait très justement Albert Camus. Merci à l’équipe de L’Essentiel de re préciser ces définitions avec justesse. Et de m’aider, de nous aider, à éviter les amalgames malheureux.

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