samedi 4 mai 2024

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L’enfer des migrantes, là-bas et ici!

Jérémy Khouani est médecin à Marseille. Dans son cabinet, il accueille des femmes sans papiers. Ces femmes lui racontent les violences sexuelles qu’elles subissent. Il en a marre de cette situation. Il veut en savoir plus. Il lance une enquête avec d’autres médecins et des travailleurs sociaux. 273 femmes sont interrogées. La revue scientifique The Lancet a publié l’enquête et le journal Le Monde a rencontré quelques-unes de ces femmes. Que disent-elles? Elles disent des choses terribles.

Dans leur pays, ces femmes ont été victimes de violences. Elles ont été battues, mariées de force, ou encore excisées… Elles ont fui et, dans leurs parcours, elles ont souvent subi de nouvelles violences. Arrivées en France, elles en subissent encore! Selon l’enquête, une demandeuse d’asile sur quatre est victime de violences sexuelles lors de la première année en France. Sur les 273 demandeuses d’asile interrogées, 84, plus d’une sur trois, ont été victimes de violences sexuelles au cours des 12 derniers mois. Parmi elles, 17 femmes ont été violées. Autrement dit, les nouvelles demandeuses d’asile ont 9 fois plus de risques de subir des violences sexuelles et 18 fois plus de risque d’être violées que la moyenne des femmes en France. Pourtant, la France est un pays « sûr » comme les autres pays de l’Union européenne. Si ça arrive à Marseille en France, on peut se dire que cela arrive aussi dans d’autres villes d’autres pays.

France, pays sûr?

Migrer, c’est souvent une violence pour tous, mais beaucoup de femmes sont en plus victimes de violences sexuelles. Les femmes migrantes sont dans des situations très vulnérables. D’abord, elles n’ont pas de logement fixe, elles sont donc plus exposées aux violences qu’une femme qui a un chez-soi. Ensuite, elles sont seules, elles n’ont pas ou peu d’amis, pas de réseau. Elles vivent isolées. Elles ne connaissent pas les endroits où on pourrait les aider. Quand elles ne sont pas en situation régulière, elles n’osent pas réagir. Elles ne veulent pas aller à la police. Et les hommes qui les violent le savent. Le journal français Le Monde a rencontré 8 des 273 femmes. Nous vous présentons ici 3 de leurs témoignages.

Du sexe contre un logement

Fanta a 32 ans, elle vient de Guinée-Conakry. Elle a dû fuir son pays parce qu’elle est tombée enceinte par accident, comme on dit. Son père l’a battue et l’a mise à la porte. Alors, elle a confié ses jumeaux à sa cousine et elle est partie, elle se dit qu’elle fera venir ses enfants quand elle aura un travail. « Mais cela ne se passe pas comme prévu. Elle n’est pas reconnue comme réfugiée et devient une sans papiers. Elle dort dehors, dans une gare, dans un squat. C’est là qu’un homme arrive et l’oblige à avoir des rapports sexuels, sinon il la dénonce… Trois jours après, ils sont deux de plus à la violer. Que faire ? elle ne peut pas appeler la police, c’est elle que la police va arrêter et renvoyer au pays…« 

Des séquelles irréversibles

Stella vient du Nigeria. Elle a 13 ans quand ses parents sont assassinés par des miliciens. Elle est envoyée au Bénin chez un proche de la famille, il la viole. Ensuite, elle est victime d’un réseau de prostitution. Elle est envoyée en Lybie où elle est vendue 4 fois. Elle dit: « En Libye, vous pouvez mourir tous les jours, plus personne ne sait que vous existez. » Elle passe en Italie, elle y est une nouvelle fois exploitée. Elle arrive en France et c’est toujours la galère: loger dans des squats, être violée… Porter plainte ? Ce n’est pas possible. Finalement, son dossier est régularisé pour 6 mois, elle habite dans un foyer. Elle est contente. « Quand on a sa maison, on est moins violée. ». Elle a 33 ans et a de l’arthrose comme une femme de 65 ans. Certainement à cause de tous les coups qu’elle a reçus.

Un bac en poche et des espoirs

Grace est nigériane. Elle a le bac et un enfant de 7 mois. Après son bac, elle quitte le Nigeria et rejoint la Russie, elle pense avoir signé pour être serveuse. En réalité, c’est un réseau de proxénétisme. Elle se retrouve en Sibérie. Un peu plus temps plus tard, elle est expulsée. Elle veut continuer ses études à Tripoli, en Lybie. A la frontière, elle est vendue, prostituée et violée. Elle ne voulait pas particulièrement venir en Europe, mais quel autre choix avait-elle ? Aujourd’hui, elle vit en France. Elle est mariée. Elle a 4 enfants qui vont à l’école. Pourtant, elle n’est toujours pas régularisée.

Avec cette enquête publiée dans le journal scientifique international, The Lancet, le docteur Khouani et son équipe espèrent faire bouger les choses en France et ailleurs. Jusqu’ici ce n’est pas le cas. C’est plutôt silence radio du côté des administrations et du gouvernement. Et malheureusement, plus les parcours de régularisation seront longs, plus ces femmes seront exposées à ce type de violences.


Si vous souhaitez lire les témoignages complets du journal Le Monde, c’est ici.

La publication de l’enquête dans le journal scientifique The Lancet (en anglais…), c’est ici

Une publication sur le même sujet, mais en Belgique de l’association le CIRE: « Les femmes sans-papiers : à l’intersection de plusieurs formes de violences et systèmes de domination », à télécharger ci-dessous

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