dimanche 28 avril 2024

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68 recommandations pour mieux vivre ensemble

Dans les sociétés contemporaines, les citoyens ont des cultures, des religions et des coutumes très différentes. Pour que ces citoyens vivent ensemble sans problème, les pouvoirs politiques doivent tenir compte de cette diversité culturelle. C’est pour les aider à prendre de bonnes décisions que les « Assises de l’Interculturalité » ont été créées. Elles viennent de rendre leurs recommandations. Des conseils que les politiques décideront de suivre …ou pas.


Photo: Belga

L’idée des « Assises de l’Interculturalité » ne date pas d’hier. L’accord de gouvernement fédéral du 18 mars 2008, prévoyait de lancer ces « Assises de l’Interculturalité ». C’est Joëlle Milquet,  vice-Première ministre et ministre de l’Egalité des chances qui a lancé ces Assises en mai 2010. Ces Assises de l’interculturalité regroupe des experts de la diversité culturelle : des scientifiques et des responsables associatifs. Le Comité de pilotage est coprésidé par Christine Kulakowski, directrice du Centre bruxellois d’action interculturelle, et Marie-Claire Foblets, professeur à la KU Leuven et à l’Université d’Anvers.

Les Assises 2010

De septembre 2009 à septembre 2010, ces experts se sont réunis régulièrement pour réfléchir à la diversité culturelle en Belgique et à la manière dont les pouvoirs politiques gèrent cette interculturalité. Ces experts ont pointé ce qui empêche de bien "vivre ensemble" dans notre société. Ils ont aussi réfléchi à la meilleure manière d’y répondre. Les Assises de l’Interculturalité ont ainsi cherché des compromis sur des questions comme le voile à l’école, la place à laisser aux convictions religieuses dans les hôpitaux, les horaires de travail, les congés etc.

Le 8 novembre 2010, les Assises viennent de publier 68 recommandations qui devraient aider les pouvoirs politiques à prendre des décisions qui respectent cette diversité en matière d’emploi, d’enseignement, de culture…

Ces recommandations ne sont que des propositions que les politiques pourront décider d’adopter… ou de ne pas adopter. Petit tour de ces 68 recommandations qui devraient nous aider à mieux vivre ensemble.

68 recommandations en bref

Enseignement

Les experts des Assises veulent tout mettre en œuvre pour que tous les enfants fréquentent régulièrement l’école dès la maternelle. Pour y parvenir, certains voudraient que l’on abaisse l’âge de l’obligation scolaire. Actuellement, cet âge est fixé à 6 ans.

Ils veulent aussi renforcer les moyens pour que tous les élèves maîtrisent la langue de l’enseignement : le français, le néerlandais ou l’allemand selon le lieu où ils vivent. Les experts proposent aussi que l’on organise dans les cours "langues étrangères", les principales langues standard des pays d’origine. Ces cours de langues seraient ouverts à tous les élèves.
Les experts proposent qu’on fasse une place, dans les programmes, les manuels et les bibliothèques scolaires à l’histoire de la colonisation, de l’immigration en Belgique. Le comité de pilotage propose aussi de relancer le projet d’un musée de l’histoire de l’immigration ou de revoir les noms de lieux et espaces publics qui "blessent les personnes issues des pays anciennement colonisés".

Signes religieux

Les experts du comité de pilotage proposent des règles pour le port du voile. Actuellement, ce sont les directeurs des écoles qui décident d’autoriser ou d’interdire le voile. Le comité de pilotage propose d’interdire complètement le voile dans le primaire et les 3 premières années du secondaire et de l’autoriser seulement à partir de la 4e secondaire. C’est en effet à cet âge (15-16 ans), que la société accorde aux adolescents le droit d’aller en justice. A cet âge, ils sont aussi majeurs sexuellement. On peut donc aussi considérer qu’ils sont majeurs par rapport à leurs convictions religieuses ou philosophiques. En Communauté française comme en Flandre, il faudra inscrire ces règles dans des décrets pour les appliquer. Le comité de pilotage propose que l’on se concerte avec l’enseignement libre. L’objectif est d’unifier le plus possible la manière dont les différents réseaux abordent la question du voile.
Pour la fonction publique, le port du voile est autorisé sauf pour les fonctionnaires qui ont une fonction d’autorité.

Jours de congé légaux

Actuellement, le calendrier des jours de congé est basé sur les fêtes chrétiennes. Le rapport propose de changer le calendrier des jours fériés légaux pour tenir compte des fêtes culturelles ou religieuses qui ne sont pas liées à cette seule tradition. On conserverait les 5 jours fériés suivants: le 1er janvier (jour de l’An); le 1er mai (fête du travail); le 21 juillet (Fête nationale); le 11 novembre (Armistice) et le 25 décembre (Noël). On créerait trois nouveaux jours fériés non religieux, comme, par exemple, la journée internationale des femmes (le 8 mars), la journée internationale contre le racisme (le 21 mars) et la journée mondiale de la diversité culturelle (le 21 mai). Chaque citoyen serait ensuite libre de choisir deux jours flottants, selon sa culture ou sa religion, pour arriver au total de 10 jours fériés légaux.

Cette proposition a soulevé pas mal de réactions, mais elle a peu de chances d’être appliquée un jour.  Un changement de calendrier serait un véritable casse-tête pour organiser les écoles et les entreprises, par exemple.

Emploi pour des citoyens issus de la diversité

Les experts proposent que les pouvoirs publics imposent un système de quotas, pour recruter des personnes issues de la diversité. Ce dispositif est déjà prévu dans la loi antidiscrimination du 10 mai 2007. Le gouvernement fédéral doit encore finaliser l’arrêté royal fixant les conditions de ces recrutements.

Justice

Le comité de pilotage propose aussi d’élargir la définition du génocide. La loi sur le négationnisme devrait donc supprimer la référence directe au génocide commis par les nazis pour permettre à la Justice d’appliquer la loi à d’autres génocides.

Etendre les aménagements raisonnables ?

Le comité de pilotage propose d’étendre les aménagements raisonnables. Ils concernent actuellement les personnes handicapées. Mais ils pourraient également être appliqués à d’autres situations, notamment celles liées à la conviction religieuse ou philosophique. Par exemple, dit le rapport, peut-on obliger un employé de religion juive à travailler le samedi alors qu’il est possible d’aménager ses horaires de travail ? Ou encore, peut-on interdire par principe à un travailleur de religion musulmane de faire ses prières au cours de sa journée de travail si les conditions de travail le permettent ? Certains membres du comité de pilotage proposent de voir s’il n’est pas possible, à partir de la loi anti-discrimination, de mieux protéger les habitudes culturelles, les convictions religieuses ou philosophiques des citoyens. Mais tous les experts ne sont pas d’accord. Une conviction religieuse n’est pas la même chose qu’un handicap, disent-ils. Et selon l’expert Edouard Delruelle : "L’analogie entre la situation de handicap et la liberté de conviction me semble une erreur de droit fondamentale".

Et puis comment vérifier la sincérité d’une conviction ? La loi qui doit protéger l’égalité des individus dans l’exercice de leurs droits, y compris celui de leur conviction, pourrait être instrumentalisée. Pour l’instant, le comité de pilotage propose donc surtout une meilleure connaissance des demandes d’aménagement sur le terrain, une plus grande sensibilisation aux situations, une plus forte concertation entre les acteurs sociaux,…. Bref, une série d’éléments qui favorisent une « voie citoyenne ». Et la « voie citoyenne » est déjà, dès le départ, le signe d’un mieux-vivre ensemble.

Lydia Magnoni

 

 

 

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