vendredi 19 avril 2024

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La guerre, c’est aussi des mots

Quand il a annoncé «l’opération militaire» contre l’Ukraine comme si l’Ukraine faisait déjà partie de la Russie, Vladimir Poutine a utilisé des mots terribles. Il a parlé des russophones d’Ukraine qu’il faut sauver parce qu’ils seraient victimes de génocide. Il a dit qu’il fallait dénazifier l’Ukraine comme si les dirigeants ukrainiens étaient des criminels comme les Allemands nazis de la Deuxième Guerre mondiale.

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« Notre but est de protéger les personnes qui, depuis 8 ans, sont victimes d’intimidation, de génocide de la part du régime de Kiev. »

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Dans cette phrase, Vladimir Poutine parle des russophones d’Ukraine. C’est vrai qu’une loi ukrainienne impose la langue ukrainienne dans l’espace public et les médias, mais la langue russe est encore très parlée. Et quand Poutine parle de génocide, il parle des russophones de la région du Donbass. Depuis 2014, les séparatistes russophones ont créé des territoires indépendants de l’Ukraine. Et depuis 2014, c’est la guerre dans la région. D’un côté, il y a les forces séparatistes aidées par l’armée russe. De l’autre côté, il y a l’armée ukrainienne aidée par des volontaires. Comme dans toute guerre, il y a des horreurs et des deux côtés.
Depuis 2020, une procédure est en cours pour enquêter sur des crimes de guerre (des tortures, des exécutions sans jugement) dans la région, mais on ne peut pas parler de génocide. Quand on commet un génocide, on extermine ou on veut exterminer totalement un groupe de personnes parce que l’on considère ces personnes comme différentes et inférieures. La différence peut être basée sur la « race », la nationalité, la religion, la langue, la culture. Le mot génocide a été utilisé pour la première fois en 1944 après la Deuxième Guerre mondiale. On a appelé ainsi l’extermination des juifs par les nazis.

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« Nous nous efforcerons de dénazifier l’Ukraine. »

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Et ce n’est pas un hasard si Vladimir Poutine parle du génocide des russophones d’Ukraine. Parmi les volontaires ukrainiens qui se battent contre les séparatistes russes, certains sont d’extrême droite et même néonazis. Ils commettent des actes terribles de violence, mais ils sont très minoritaires. Poutine, lui, veut montrer que tous ces volontaires ukrainiens et que les dirigeants ukrainiens sont des nazis. D’ailleurs, il le dit clairement : « Nous nous efforcerons de dénazifier l’Ukraine. » C’est absurde et c’est aussi scandaleux.
C’est absurde parce qu’en Ukraine, iles néonazis et les militants d’extrême droite sont très peu nombreux. En 2014, il y a bien eu des ministres d’extrême droite au gouvernement. Ils ne sont pas restés longtemps. Les mouvements d’extrême droite et néonazis ont fait au total moins de 2% des voix aux élections présidentielles de 2019 et moins de 5,5% des voix aux élections législatives. C’est scandaleux parce que Vladimir Poutine dit que les dirigeants ukrainiens sont comme les Allemands nazis, les plus grands criminels de l’histoire.

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La Grande Guerre patriotique

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Non, ce n’est pas un hasard si Vladimir Poutine parle de « génocide » et de « dénazification ». En Russie, le souvenir de la Seconde Guerre mondiale est plus douloureux encore qu’en Europe de l’Ouest. Vingt millions de Russes sont morts pendant cette guerre. En Russie, on ne dit d’ailleurs pas la Deuxième Guerre mondiale, mais la Grande Guerre patriotique.
Et certains Ukrainiens ont joué un rôle particulier dans cette guerre. Quand les Allemands ont attaqué l’URSS en 1941, ils ont d’abord dû traverser l’Ukraine. Les Ukrainiens étaient dominés par l’URSS. Dans les années 1930, les dirigeants de l’URSS avaient même affamé les Ukrainiens pour nourrir la population des autres régions. Des Ukrainiens ont alors vu les Allemands nazis comme des libérateurs. Ils ont collaboré avec les Allemands nazis. Ils les ont aidé à exterminer des juifs et des prisonniers russes. Les Russes apprennent cela à l’école et le pouvoir russe ne cesse de leur répéter pour qu’ils n’oublient pas.

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La guerre et son terrible cortège

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Mais tous les Ukrainiens n’ont pas collaboré avec les Allemands nazis. De toute façon, les Ukrainiens d’aujourd’hui ne sont pas ceux de la guerre. De toute façon, depuis plusieurs générations, beaucoup de russophones et ukrainophones se marient, ont des enfants et vivent ensemble en paix. Mais Vladimir Poutine sait que s’il qualifie son ennemi de nazi, cela peut influencer la population russe qui a en mémoire les crimes nazis. Vladimir Poutine essaie ainsi de justifier ce qui ne peut pas être justifié : la guerre avec son terrible cortège de morts, de blessés et de réfugiés.

A lire aussi notre article sur les crimes nazis pendant la Deuxième Guerre mondiale

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