Frank Herlemont vient de publier L’Alcoolique anonyme. Frank ne boit plus depuis 25 ans. Frank est de La Louvière en Belgique. La Louvière et sa région ont été un des centres du surréalisme en Belgique. Le surréalisme, c’est un mouvement artistique révolutionnaire avec des artistes qui veulent transformer le monde, qui remettent en cause la société. Des artistes qui veulent libérer l’homme par la création, l’imagination, la sensibilité.
Mai 68 sur scène
Cet engagement social et cette liberté de création, c’était aussi Mai 68. Et on retrouve cela dans la pièce de théâtre La femme au grenier, partie centrale du livre L’Alcoolique anonyme. La femme au grenier, c’est la femme d’un professeur de philosophie. Elle a décidé de vivre dans un grenier. L’histoire de la pièce, c’est un cours de philosophie. C’est aussi une sorte de cours sur Mai 68. Et d’ailleurs Mai 68 est sur la scène.
Vaudeville
La pièce est comique, c’est un vaudeville. Le vaudeville est un genre comique de pièces de théâtre. Un comique basé sur des situations de malentendus et de personnages qui sont pris pour d’autres personnages. Dans le vaudeville, il y a des rebondissements, de l’inattendu, des « surprises ». Les personnages s’affrontent, les dialogues vont vite.
Un amant dans le placard
Dans les pièces de vaudeville, il y a la scène classique: la femme trompe son mari et, quand il arrive, elle doit cacher son amant dans le placard. Ici, ce n’est pas l’amant dans le placard, c’est la femme au grenier ! La femme du professeur de philosophie. Le professeur de philosophie qui interroge son étudiant, un peu coincé et qui ne parle qu’au passé simple. Dans la pièce, il y a aussi l’étudiante sérieuse qui veut un cours structuré alors qu’elle est perdue au milieu d’étudiantes qui boivent les paroles du professeur racontant Mai 68. Il y a le révolutionnaire Che Guevara, la femme médecin qui a peur des hôpitaux.
Qui est à sa place ?
Car dans la pièce, qui est à sa place ? Qui reste à sa place ? La femme du prof sort du grenier. Le prof fait-il toujours cours ou parle-t-il de sa vie, de Mai 68 ? L’étudiant coincé est-il si coincé que cela ? Que s’est-il passé avec la femme du professeur ? La jeune étudiante sérieuse qui rêve du prince charmant est-elle toujours si sérieuse ? Che Guevara, c’est un ou une révolutionnaire ? Avec ce Mai 68 en vaudeville, on n’a pas le temps de souffler. Et c’est tant mieux.
Philosophie
C’est tant mieux car parfois les dialogues sont un peu compliqués. Pour bien comprendre certaines répliquesparties d'un dialogue, il faut une bonne connaissance d’une certaine philosophie, d’une philosophie dont on parlait beaucoup en Mai 68. Mais si on ne comprend pas tout ce qui se dit, ce n’est pas très grave. On rit quand même beaucoup parce qu’il y a le comique des situations, parce que les scènes vont vite. Parce que les personnages sont comiques.
Lutte des places !
Un philosophe français, Alain Badiou, a participé au mouvement de révolte sociale de Mai 68. Il en dit à peu près ceci : « Ce qui nous enthousiasmait était la conviction qu’il fallait en finir avec les places. On croyait qu’on ne pouvait pas bouleverser les places sociales. Mai 68 ne l’a pas fait, mais a montré que c’était politiquement possible. »
Que la femme sorte du grenier !
Ce renversement de places est au cœur de la pièce La femme au grenier. La pièce a été jouée, il y a quelques années, devant des élèves d’une haute école de la province du Hainaut. Bon, ils n’ont pas refait Mai 68, mais ils se sont bien amusés. En cette année de 50e anniversaire de Mai 68, qu’on puisse voir jouer La femme au grenier, ce serait bien. Assez d’actes, des mots? Et bien voilà une pièce en un acte avec de beaux mots !
L’Alcoolique Anonyme, Frank Herlemont, Editions Chloé des Lys, 29,90 euros