samedi 27 avril 2024

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Au fil du fleuve

L’an dernier, la Belgique fêtait son 175e anniversaire. Plusieurs
expositions sur le Congo, son ancienne colonie, ont expliqué, raconté,… ou
tenté de justifier. «Congo River», sorti le 22 février,
aurait sans doute fait tache dans ce (parfois) trop beau tableau…

Thierry Michel est né à Charleroi, au Pays Noir. A 16 ans, il démarre
des études de cinéma, à l’Institut des Arts de diffusion à Bruxelles,
juste après Mai 68. L’agitation étudiante de l’époque
marque son engagement politique… Quelques années plus tard, au Pays
Noir de son enfance, il réalise ses premiers courts métrages et
documentaires (dont «Pays noir, pays rouge»). Puis il part vers d’autres
continents, à la recherche d’autres solidarités. Le Maroc
du désert, le Brésil des bidonvilles, et, déjà, le
Zaïre. Il réalise alors «Zaïre, le cycle du serpent»,
qui sera plusieurs fois récompensé. Lors d’un bref retour
au pays, il filme la fin du parcours politique d’un ministre, Alain Van
der Biest. Puis il reprend son sac à dos et part pour la Somalie, et quelques
mois plus tard, pour le Zaïre. Il veut réaliser un film sur les conséquences
de la colonisation. Dès son arrivée, il est arrêté,
puis expulsé. Thierry Michel commence sérieusement à déranger…

Dix ans plus tard, après 8 films réalisés en Afrique, dont
5 au Congo-Zaïre, Thierry Michel part vers l’Asie et la République
islamique d’Iran. Il rend compte de la forte croyance religieuse des uns
et du grand besoin de liberté des autres. De retour en Afrique noire,
il remonte le fleuve Congo et voyage à nouveau dans l’histoire et
la mémoire de l’Afrique. Il continue avec Congo River, tourné en
35 mm, son chemin vers la source du fleuve et les origines du pays. Depuis plus
de 30 ans, Thierry Michel n’arrête pas de filmer des visages qui
peuplent la réalité humaine. Et il avoue qu’il n’a
pas fini de chercher…

De la source à l’embouchure

Le fleuve Congo. 4 371 km, de l’embouchure à la source. C’est
le plus grand bassin fluvial du monde. Comme tous les fleuves du monde, le fleuve
Congo est un lieu de vie et de mort. Il fournit la nourriture. Il conduit les
hommes d’un lieu de commerce à un autre, à ses marchés
flottants. Pendant sept mois, Thierry Michel et son équipe ont partagé sur
ce fleuve la vie de la population. Ils ont pris les piqûres de moustiques,
se sont nourris des poissons du fleuve. Ils ont dû protéger le matériel
de tournage des pluies, négocier avec la police. Ils ont parfois dû voyager à dos
d’hommes dans ce pays où il n’y a plus d’autre moyen
de communication que le fleuve,…

Ils y ont trouvé les lieux témoins de l’histoire agitée
du pays. Là-bas, il y a encore des traces de la folie des hommes. On peut
encore voir des restes de la colonisation. On croise l’image de colonisateurs
comme Stanley et Léopold II. Mais aussi celles de dirigeants africains
comme Lumumba et Mobutu.

Ce voyage au cœur de l’Afrique, au-delà des tragédies
et des guerres est un hommage à la vie. Sur les rives, on voit les joies
et les souffrances de la vie d’un peuple. Des images riches en couleurs
et en douleurs, chaleureuses, violentes. Les fêtes traditionnelles ou religieuses,
les drames, les soulèvements, rythment le quotidien des piroguiers, des
pêcheurs, des commerçants, des voyageurs, des militaires, des rebelles,
des enfants soldats. Après la traite des noirs, la domination coloniale,
les indépendances, les guerres, les dictatures, le peuple est en train
de se reconstruire. Ce peuple déboussolé, détaché de
ses racines poursuit la déforestation, exploite trop ses richesses naturelles,
ranime les sorciers ou consulte les médecins qui ne peuvent rien contre
les douleurs de l’âme, … Après ce film, vous ne verrez plus
jamais l’Afrique du blanc de l’œil.

Catherine Tellier

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