Fils d’un élu politique socialiste de La Louvière, Frank, adolescent aime faire la fête. Les études l’ennuient, mais il termine ses humanités : « La bière coulait à flots. Un jour, dans l’euphorie, je pars à Paris en mars 1968. Je sens une atmosphère particulière, une sorte de confusion qui correspondait à la confusion qu’il y avait dans mon esprit à l’époque. »
Dans le quartier chaud
Sans le sou ni point de chute, Frank rentre à La Louvière avec une seule idée : retourner à Paris ! « Je me disais : il va se passer quelque chose à Paris. Je savais pas quoi exactement. J’aimais déjà bien Paris, mais j’aimais encore plus ce Paris-là, cette atmosphère particulière. » dit Frank. Frank est fêtard, mais déterminé. Il trouve un boulot dans une librairie du quartier étudiant à Paris, le Quartier Latin, le quartier où il y a eu beaucoup de manifs en Mai 68. Il loue une chambre dans le quartier et Frank est donc en plein dans les évènements de Mai 68 : « Je me suis retrouvé dans des manifs, j’ai assisté à des réunions politiques.»
Soif de liberté
Pendant Mai 68, les étudiants faisaient beaucoup de réunions politiques. Frank précise : « Je vais faire un parallèle entre moi et les jeunes étudiants parisiens : j’étais fils d’un responsable politique de gauche. Beaucoup d’entre eux étaient aussi des enfants de militantspersonnes qui s'engagent et qui agissent pour défendre une idée, une cause. de gauche, militantspersonnes qui s'engagent et qui agissent pour défendre une idée, une cause. très disciplinés. Et eux, comme moi, on en avait marre de cette discipline et des vieilles structures de gauche. Il y avait une atmosphère de désordre, mais aussi une certaine forme de violence, de refus du monde ancien, une soif de liberté surtout. La façon dont les gens se parlaient, c’était un autre Paris, cela ne correspondait pas au Paris où les gens se croisent sans se regarder. »
L’université
Frank quitte Paris en juin 1969. Il doit rentrer pour faire son service militaire en Allemagne : « Entre Paris de Mai 68 et les mois qui ont suivi à la discipline militaire, quel contraste infernal ! », dit-il. Après son service, il travaille encore dans des librairies en Belgique : « Finalement, j’ai toujours travaillé dans le milieu des bouquins. Enfin, comme employé : mettre en rayon, vendeur. Puis, j’ai rencontré mon épouse qui faisait l’université. Je trouvais qu’elle avait une vie superbe ma femme, elle allait à l’école quand elle voulait, elle apprenait plein de choses (…) J’ai donc repris des études à 25 ans : j’ai fait journalisme et communication sociale. Puis, je me suis dit l’unif, c’est mon lieu. Une atmosphère intellectuelle planait dans l’air, cela m’a rappelé, d’une certaine manière, le Quartier Latin.»
Professeur de philosophie
Diplômé, Frank n’a pas envie de travailler dans le journalisme, il écrit quand même quelques articles puis devient professeur de philosophie dans une haute école de la province du Hainaut. À 73 ans, retraité, père et grand-père, Frank anime un séminaire de philosophie. Cette année, il a choisi de parler du… bonheur : «Et je dois dire que je pataugepatauger:1er sens: marcher difficilement sur un sol boueux 2e sens: s'embrouiller un peu !» dit Frank en partant dans un grand rire. Il vient aussi de sortir un livre L’Alcoolique Anonyme où il parle, à sa manière, dans une pièce de théâtre, de Mai 68.
Homme parmi les hommes
Pendant cette rencontre, nous avons eu de grands rires. Car parler de Mai 68 recrée un peu l’atmosphère particulière de Mai 68 dont Frank a parlé. Comme l’écrit le romancier Maurice Blanchot : “Quoi qu’en disent ceux qui critiquent Mai 68, ce fut un beau moment, quand chacun pouvait parler à l’autre, homme parmi les hommes, accueilli sans autre justification que d’être un homme.” L’interview de Frank Herlemont, cette rencontre, c’était un peu ça.
L’Alcoolique Anonyme, Frank Herlemont, Editions Chloé des Lys, 29,90 euros