Noël à Lille. Claire rencontre Laurent. Elle a une vie tranquille,
un mari, une petite fille, un boulot dans une compagnie d’assurances. Laurent
est vétérinaire. C’est un «homme à femmes».
Laurent vient consulter Claire pour une banale histoire de dégâts
des eaux et… c’est le début d’une histoire d’amour
et de peur. « Entre ses mains », le dernier film de Anne Fontaine
sort dans les salles. On y découvre un Benoît Poelvoorde inattendu.
”Entre ses mains” n’est pas une simple rencontre entre deux êtres.
C’est aussi une histoire de frayeur. Des femmes sont assassinées
par un homme qui sème la terreur dans la ville. Au fil de ses rencontres
avec Laurent, au fur et à mesure que les liens se tissent, Claire fait
le rapprochement entre le tueur et Laurent. La frayeur et la fascination s’installe.
On glisse peu à peu du quotidien vers la folie et le tragique. Etrangement,
alors que ses soupçons se précisent, Claire s’attache lentement à cet
homme. Elle pourrait fuir. Pourtant, une facette cachée de sa personnalité la
retient… Elle devient alors pour Laurent à la fois un ange gardien
et une proie. Une relation ambiguë se crée. Chacun est à la
fois le salut et la perte de l’autre.
Talents complémentaires
Claire, le personnage féminin du film, c’est Isabelle Carré.
On l’a vue dans «Romuald et Juliette» de Coline Serreau en
1989. Elle a aussi joué dans «Holy Lola», de Bertrand Tavernier,
l’an dernier. Isabelle Carré a tout de suite plongé dans
le film. Le personnage de Claire la fascine. Claire est tout en transparence
et en pureté, mais elle aime la transgression. Sa douceur dissimule
en fait une violence, une part sombre: celle qui colle à Laurent…
Benoît Poelvoorde, on ne le présente plus. Il en a fait de la
route depuis «C’est arrivé près de chez vous» en
1992! Quand Anne Fontaine lui demande de lire le scénario, c’est
juste avant Podium. Benoît refuse d’abord le rôle: ce n’est
pas pour lui. Le personnage est dépressif. Le film le montre dans des
scènes de séduction. Fontaine laisse passer un peu de temps et,
têtue, revient à la charge quelque temps plus tard… Poelvoorde
reprend alors le scénario et fait un bout d’essai. La douleur
cachée, le trouble, la pudeur de Laurent finissent par le persuader.
Il est également touché par le romantisme du personnage, par
son rapport impossible aux femmes, son incapacité à les aimer.
Le tournage s’est fait de manière chronologique, permettant aux
comédiens d’endosser parfaitement la peau de leurs personnages.
Anne Fontaine ne fournit aucune fiche psychologique pour décrire ces
deux personnages. Elle donne juste quelques indices de ci, de là. Placé devant
ce qui ne peut pas se comprendre, le spectateur sera un peu déboussolé,
parfois, par ce qui se passe entre Claire et de Laurent. La caméra à l’épaule,
crée à la longue une sensation de vacillement et de dérapage
devant cette lente destruction.
Dans “Entre ses mains”, la réalisatrice a transformé l’ordinaire
en extraordinaire. Elle nous entraîne sur le chemin sinueux de deux vies
qui basculent hors du commun, forçant la réflexion sur le destin.
Catherine Tellier