dimanche 19 mai 2024

L’ESSENTIEL L’information simple comme bonjour

Et son courroux, coucou

Dix ans déjà que Desproges a disparu. Dix ans, comme il l’aurait
dit lui-même, qu’il a cassé sa pipe. Plusieurs émissions
ont été consacrées à ce comique cynique, à l’occasion
de cet anniversaire qu’on n’arrive décidément pas à trouver
tout à fait triste.L’une de ces émissions s’intitulait «Desproges
est vivant». Et c’est tellement vrai.

On n’ose pas imaginer ce qu’il aurait raconté aujourd’hui,
de la mort de Rainier et de celle de Jean-Paul II. Des horreurs probablement.
Dire des horreurs pour faire rire, c’était un peu son «fonds
de commerce » à l’ami Pierre. C’était là tout
le charme de l’individu, qui sur scène, ne pouvait pas s’empêcher,
quand il en lâchait une particulièrement ignoble, de sourire sous
cape
.

Son humour décapant a de quoi déranger. Il bouscule en tout cas
nos petites hypocrisies, nos petits arrangements avec le réel. Quelques
exemples ? Accrochez-vous, ça décoiffe. «La Provence me
les gonfle presque autant que la Bretagne. La bonhomie sucrée de tous
ces santons mous qui puent l’anis et qui génocident les coccinelles à coup
de boules de pétanque, ça m’escagasse autant le neurone à folklore
que les désespérances crépusculaires de la Paimpolaise,
qui guette le retour improbable de son massacreur de hareng, la coiffe en bataille
et la larme au groin, au pied des bittes de fer fouettées par les embruns»

Ou encore : «A l’instar du pou, le coiffeur est un parasite du
cheveu»

Touche-à-tout de génie

Desproges
est surtout connu aujourd’hui pour ses spectacles: des one-man-show,
dont il existe heureusement des enregistrements. Il est aussi connu pour ses
livres. Desproges se qualifiait lui-même d’être un écriveur,
pas un écrivain. Les titres de ses livres parlent d’eux-mêmes
: «Chroniques de la Haine ordinaire», «Manuel de savoir-vivre à l’usage
des rustres et des mal polis»…

Mais avant d’être cet écriveur et cet homme de spectacle,
Desproges a débuté dans la presse. Après des études
de kinésithérapie, il est entré à «l’Aurore».
A la rubrique des chiens écrasés. Comme il n’était
pas un enquêteur très doué, on lui confie une rubrique
intitulée : «Bref». Dans cette rubrique, il écrit
notamment : «Gorge prise» : J’ai tué ma femme. Elle
souffrait trop. C’est un drame de l’euthanasie, a déclaré ce
noctambule hagard, dans un commissariat de Boston. Vérification faite,
la police s’aperçut que la dame souffrait effectivement d’une
bronchite au moment où son mari l’avait surprise dans les bras
de son amant.»

En écrivant de telles choses dans un journal qui s’adressait surtout
aux petits commerçants, il ne tarde pas à recevoir des tas de
courriers de protestation. Mais Françoise Sagan lui écrit, elle,
une lettre d’éloges. C’est grâce à cette bonne
fée qu’il conserve son emploi.

D’abord la télé, puis la radio

En 1975, il est engagé au «Petit rapporteur», une émission
de Jacques Martin. Il y reste six mois. Il animera aussi : «La minute
nécessaire de Monsieur Cyclopède». Cette émission
d’une minute énonçait une maxime absurde ou insolite. Elle
se terminait toujours par : «Etonnant, non ?»

En 1980, Pierre Desproges quitte l’«Aurore» pour de bon.
Il devient le procureur au «Tribunal des flagrants délires»,
avec le président Jacques Villers et l’avocat Luis Rego. Il commençait
ses plaidoiries par ces mots : «Françaises, Français, Belges,
Belges, Mon président mon chien, Monsieur le ténor du fado, (…),
Mesdames et Messieurs les jurés tirés au sort, Public chéri
mon amour ?»

Et il les concluait presque invariablement :

«
Bonjour ma colère, salut ma hargne et mon courroux , coucou.»

Qu’est ce qu’il nous manque, ton courroux…

Marie Thomas

 

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