mercredi 15 mai 2024

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La guerre vue de l’intérieur

Après avoir voyagé sur les bus de Charleroi
et d’Anvers en mars, les photos du Belge Bruno Stevens sont désormais
accrochées aux murs des Musées Royaux d’Art et d’Histoire
à Bruxelles. Cette exposition nous donne une autre vision de la guerre
en Irak…


Photo: Bruno Stevens

Depuis mars 2003 et le début de la guerre en Irak, la télévision
montre presque tous les jours des images de cette région du globe. On
voit des bombardements nocturnes, des arrestations, des puits de pétrole
en feu, des bâtiments dévastés, des soldats, des blessés
et des cercueils… Via l’écran de télévision, ces
images entrent dans notre intimité. Malgré cela, nous ne nous
rendons pas bien compte des souffrances du peuple irakien qui subit la guerre
et ses conséquences. L’impression est tout autre lorsque l’on
défile devant les photographies prises par Bruno Stevens…

Entre octobre 2002 et juin 2003, ce photographe bruxellois de
44 ans a fait trois voyages en Irak. Durant les pires heures du conflit, il
était même le seul membre de la presse belge présent sur
place. Jusqu’au 30 juin, l’exposition “Bagdad” présente
une partie de son travail. Dès l’entrée, deux clichés
donnent le ton. La première montre l’Avenue de la République.
Dans cette rue commerçante de la capitale irakienne, les passants et
les véhicules sont alors nombreux. La seconde photo est prise au même
endroit, quelques semaines plus tard. L’avenue est sale et presque déserte.
Des bâtiments sont endommagés et des débris jonchent
le sol. La guerre est passée par là…

Une exposition en trois temps

Les quelques 200 photos (tantôt en couleur, tantôt en noir et
blanc) sont regroupées en trois parties: avant, pendant et après
la guerre. Jusqu’à la chute de Saddam Hussein, Bruno Stevens était
toujours accompagné d’un traducteur et d’un chauffeur, ce
qui ne lui laissait pas une totale liberté de mouvement. Malgré
tout, avant le début du conflit, son appareil a saisi des scènes
de la vie quotidienne. Ainsi, on voit des femmes voilées se recueillant
dans la ville sainte de Kerbala, la boutique d’un horloger, l’entrée
d’une raffinerie de pétrole, des hommes qui boivent le thé…
Avec toujours, un peu partout, les images et les statues du dirigeant irakien.

Au fur et à mesure que l’on progresse dans l’exposition,
on sent la tension monter: Georges Bush a lancé un ultimatum à
Saddam Hussein et les premiers bombardements sont tout proches… Mais pendant
que les soldats se préparent à la guerre, la vie suit son cours,
tant bien que mal. Et c’est un des messages forts de cette exposition.
En effet, en Irak comme partout, il y a des hommes, des femmes et des enfants
qui ont besoin d’être logés, de se nourrir, de travailler,
d’aller à l’école, de se soigner, de se divertir…
Un cliché de Bruno Stevens illustre bien cette idée. Il nous montre
des enfants qui jouent au football alors que les combats ont commencé.
Une question de survie, aussi, pour ces gamins.

Quand la douleur se fait belle…

Et puis, puisqu’une guerre n’est forcément jamais propre,
les bombardements finissent par toucher des civils innocents. Dans les rues
de Bagdad, le photographe belge a saisi des maisons éventrées
et des familles qui enterrent leurs défunts. Une série de trois
clichés est particulièrement intrigante. On y voit l’avenue
Al Cha’ab, juste après un bombardement. L’épaisse
poussière, la lumière irréelle, les véhicules calcinés,
les bâtiments détruits, les débris sur le sol et les soldats
qui patrouillent donnent au lieu une ambiance particulière. Une atmosphère
qui nous fait songer aux rues de New-York, un certain 11 septembre 2001… Dans
la capitale irakienne, la mort rôde. Mais l’exposition nous montre
très peu d’images sanguinolentes. Le travail de Bruno Stevens nous
fait prendre conscience que bien plus que des clichés de corps mutilés,
d’autres types de photos peuvent exprimer l’horreur, la détresse
et la souffrance. C’est le cas de ces deux gamins traumatisés par
les bombardements et de ce père qui, à l’hôpital,
prie pour qu’un de ces proches ait la vie sauve. Ou encore de cette femme
qui crie son désespoir après avoir appris la mort de son frère.
Dans ces moments-là, aussi, les images de Bruno Stevens deviennent des
oeuvres d’art, comme c’est souvent le cas avec les photographes
de talent. Des situations dramatiques peuvent alors donner naissance à
de “belles” photos…

Anouck Thibaut

Info
“Bagdad”
Jusqu’au 30 juin 2004 aux Musées Royaux d’Art et d’Histoire
Parc du Cinquantenaire à Bruxelles
02/741 72 11 ou www.kmkg-mrah.be

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