jeudi 9 mai 2024

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Palestine, l’espoir malgré tout

Nous avons rencontré Michel Staszewski, professeur d’Histoire dans l’enseignement secondaire en Belgique francophone. Il nous a parlé de l’histoire du conflit entre Israël et la Palestine (lire Le sionisme, c’est un pessimisme).

Il répond ici à nos questions sur la guerre d’Israël dans la Bande de Gaza après les massacres faits par le Hamas en Israël le 7 octobre.

Olivier Brouet: Le bilan de l’offensive d’octobre est particulièrement lourd, avec près de 30 000 morts déjà. Cette offensive a malheureusement été précédée de nombreux assauts qui ont fait des milliers de victimes…

Michel Staszewski: Quand on considère le problème dans sa durée, on parle de Nakba permanente, avec des variations d’intensité (la Nakba est le nom de l’expulsion massive des Palestiniens en 1948). La volonté de pousser les Palestiniens hors de Palestine est une constante de la politique israélienne. Ce qui se passe aujourd’hui s’inscrit dans le droit fil de cette approche.

OB: Cette volonté d’expulser les Palestiniens répond-elle à un besoin politique ? Ne s’agit-il pas d’éviter aux Israéliens d’être débordés par les Palestiniens sur le plan démographique ?

MS: Israël a perdu la bataille démographique. Sur l’ensemble du territoire contrôlé par Israël, on a aujourd’hui autant de Palestiniens que de Juifs, mais la plupart des Palestiniens n’ont pas leur mot à dire sur le plan politique. Seul ¼ des Palestiniens a la citoyenneté israélienne. La menace est donc très relative. Les Palestiniens ont très peu de poids politique. C’est d’ailleurs pour cette raison que de plus en plus de Palestiniens refusent l’option des deux États. Ils exigent une solution à un seul État avec les mêmes droits de citoyens. Mais évidemment, ce serait la fin de l’État juif, la fin de la domination d’une population sur une autre.

OB: En parlant de solution au conflit, vous soulignez dans votre livre que le sionisme a raté son objectif qui est d’assurer la sécurité des Israéliens. Cette contradiction ne pourrait-elle pas provoquer un changement des mentalités des Israéliens ?

MS: Le 7 octobre a bien montré la faillite du mythe de l’État refuge. Mais cela fait longtemps qu’Israël est l’endroit au monde où les Juifs meurent le plus des suites d’actes violents. Et c’est la conséquence de la politique de discrimination et d’oppression à l’encontre des Palestiniens. Pour autant, je ne pense pas que cela suffise à provoquer le changement de mentalités nécessaire. Le changement viendra si ses principaux alliés, les États-Unis, et l’Union européenne décident de mettre la pression sur Israël. Les Israéliens vivent pour le moment dans l’illusion de leur bon droit. Il suffirait que leurs alliés menacent de ne plus les soutenir pour que les Israéliens réalisent à quel point leur « État juif » est fragile. Israël dépend énormément de ses alliés. Il est aidé sur le plan militaire, économique et financier. Israël est un colosse aux pieds d’argile.

OB: Vous gardez l’espoir d’une solution au conflit ?

MS: Le grand poète palestinien Mahmoud Darwich a écrit : « Nous, les Palestiniens, nous souffrons d’un mal incurable qui s’appelle l’espoir. » Et moi aussi, je souffre de ce mal incurable, j’ai besoin de croire qu’il y a de l’espoir. Il est sûr que ma position d’historien me donne un avantage : je sais qu’aucune guerre n’est éternelle. Et je vois dans l’évolution du statut des Palestiniens des raisons de croire en l’avenir. Après la Nakba, les Palestiniens n’étaient considérés que comme des réfugiés. Dans les années 70, ils ont été reconnus en tant que peuple. En 2012, l’ONU a octroyé un siège d’observateur à la Palestine. De plus en plus d’États du monde reconnaissent l’État de Palestine. Donc, les choses bougent. Elles vont dans le bon sens. Je n’ai aucun doute : le conflit se terminera un jour. Il entrera définitivement un jour dans les livres d’Histoire. Mais je ne peux m’empêcher de penser au nombre de victimes qu’il risque d’y avoir d’ici là.

« Figures féminines en lutte », on voit des femmes d’âge différent et habillées différemment. Derrière elles, le drapeau palestinien et le dôme du rocher, symbole national du peuple palestinien. C’est une illustration de Aya Mobaydeen, designer et illustratrice arabe.

 

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