Les périodes de soldes, les braderies, les «jours fous», tout est fait pour que nous achetions. Notre système économique, appelé capitaliste, fabrique des produits qui répondent à nos besoins. Mais ce système nous fabrique aussi. Il fait de nous des consommateurs pour ses produits.
Aujourd’hui, il est presque impossible d’échapper aux publicités des grands magasins. Dans un roman de 1883, Au bonheur des dames, l’écrivain français Emile Zola décrit déjà cette « machine à vendre ».
Le grand magasin a commencé à se développer, il y a environ 150 ans. A l’époque, le système économique commence à produire de plus en plus de marchandises. Ces marchandises, il faut les vendre. Les villes grandissent. Les petites boutiques ne suffisent plus. C’est l’idée du grand magasin. A Paris, le Bon marché est le symbolePersonne ou chose qui représente bien un sentiment, une idée, qui sert d'exemple de cette nouvelle manière de vendre. En 1852, le Bon Marché faisait un chiffre d’affaires de 500 000 francs avec 12 employés. En 1877, le même magasin fait 72 millions de francs avec 1 788 employés. Dans un roman de l’époque, Au Bonheur des Dames, Emile Zola raconte l’histoire d’un grand magasin. On y voit les transformations de la société, les nouvelles techniques de vente, la concurrencecompétition entre entreprises pour être le plus rentable et gagner des marchés entre magasins. Il est amusant de voir qu’aujourd’hui, la «machine à vendre» fonctionne encore comme à l’époque. Ce sont décidément toujours les vieux trucs qui marchent…
Séduire les enfants
Au Delhaize, par exemple, il y a de petits caddies pour que les enfants puissent suivre, en parfait petit consommateur, leurs parents qui font leurs courses. Dans le Bonheur des Dames, Zola écrit déjà : «il (le directeur du grand magasin) créait des rayons pour petits garçons et fillettes, arrêtait les mamans au passage, en offrant aux bébés des images et des ballons. Un trait de génie que cette prime des ballons, distribuée à chaque acheteuse, des ballons rouges, à la fine peau de caoutchouc, portant en grosses lettres le nom du magasin, et qui, tenus au bout d’un fil, voyageant en l’air, promenaient par les rues une réclame vivante !…»
Faire de la publicité
Nos boîtes aux lettres sont inondées de publicités de grands magasins. Il y a aussi l’achat par correspondance que l’on peut faire à La Redoute ou aux 3 Suisses. Et déjà, dans Zola : «La grande puissance était surtout la publicité. Le directeur en arrivait à dépenser par an trois cent mille francs de catalogues, d’annonces et d’affiches. Pour sa mise en vente des nouveautés d’été, il avait lancé deux cent mille catalogues, dont cinquante mille à l’étranger, traduits dans toutes les langues. Maintenant, il les faisait illustrer de gravures, il les accompagnait même d’échantillons, collés sur les feuilles. C’était un débordement d’étalages, le Bonheur des Dames sautait aux yeux du monde entier, envahissait les murailles, les journaux,… ».
Compétition à tout prix pour le profit
Dans le roman, Zola décrit aussi les conditions de vie des employés de l’époque. Il y a déjà des système de primes et d’intéressement aux bénéfices pour les travailleurs: «Tous d’ailleurs, dans le rayon, depuis le débutant rêvant de passer vendeur, jusqu’au premier convoitant la situation d’intéressé, tous n’avaient qu’une idée fixe, déloger le camarade au-dessus de soi pour monter d’un échelon, le manger s’il devenait un obstacle ; et cette lutte des appétits, cette poussée des uns sur les autres, était comme le bon fonctionnement même de la machine, ce qui enrageait et allumait cette flambée du succès dont Paris s’étonnait.» Le monde du travail était déjà un lieu de compétition, imposé par la concurrence entre les entreprises. Le système a sa belle vitrine, il y a aussi les dégâts humains et sociaux qu’il provoque.
Thierry Verhoeven
Info :
Livre: Au Bonheur des Dames, Emile Zola, collection Folio