La semaine dernière, le roi Albert II a choisi Herman Van Rompuy pour tenter de remettre les partis de « l’orange – bleue » autour de la table. Herman Van Rompuy est un grand connaisseur de la politique. Il connaît bien nos institutions. Sa personnalité pourrait aider à dégager les pistes vers un nouveau gouvernement.
Le choix du Roi a créé une certaine surprise. On pensait que le Roi allait choisir Raymond Langendries et Herman De Croo, deux anciens présidents de la Chambre, comme négociateurs. Mais on sait que certains milieux flamands exigent une plus grande et une plus forte régionalisation du pays. Et il semble que le libéral flamand Herman De Croo ait été considéré comme trop « belgicain ».
Le Roi a, d’une certaine façon, innové en nommant Van Rompuy. Il l’a nommé « explorateur ». Cette mission apparaît pour la première fois dans les étapes de négociations gouvernementales. Herman Van Rompuy n’est pas n’importe qui. C’est un membre puissant du CD&VChristen-Democratisch en Vlaams. En français: Chrétiens-démocrates et flamands. Pour le dire simplement, c'est à l'origine la famille sociale-chrétienne, comme le CDH côté francophone. (les sociaux-chrétiens flamands). Le CD&V est un parti indispensable à la formation d’un nouveau gouvernement. C’est aussi le parti d’Yves Leterme, l’ancien formateur. Herman Van Rompuy a d’ailleurs participé aux négociations qui ont jusqu’à présent échoué.
Le CD&V est l’allié des nationalistes flamands de la NVASigle de la Nieuw-Vlaamse Alliantie. On prend la première lettre de chaque mot. En français: Nouvelle Alliance flamande.. La NVA a les revendications les plus dures sur la régionalisation. L’explorateur Van Rompuy sait donc bien ce que son parti et son allié seront prêts à accepter dans les négociations. Mais, surtout, Herman Van Rompuy est un grand spécialiste des questions institutionnelles. Il a en effet joué un rôle important dans toutes les négociations passées pour la régionalisation. On le trouve aussi très intelligent. De plus, c’est un homme de l’ombre qui travaille dans la discrétion complète. Il n’a fait aucune déclaration depuis qu’il a été nommé. Et les personnes qu’ils rencontrent doivent respecter la même discrétion. Par ce silence, il calme le jeu. Il évite les déclarations incendiaires. Bref, l’homme paraît très bien placé pour arriver à dégager les pistes de ce qui est possible. Et il ne s’est pas donné d’agenda pour ne pas être coincé par une date limite.
Un coup de pouce des verts ?
Depuis dimanche soir, on murmure aussi que l’orange – bleue pourrait devenir une « jamaïcaine ». L’orange, c’est la couleur des sociaux-chrétiens. Le bleu, celle des libéraux. Ces partis sont ceux qui, pour respecter le vote des électeurs, doivent être au gouvernement. Ils ont d’ailleurs, ensemble, une majorité au Parlement. Mais il y a un problème : pour certains changements demandés par les Flamands, il faut une majorité des deux tiers des voix au Parlement. Car ces changements modifieraient la Constitution belge. Or, l’orange bleue n’a pas la majorité des deux tiers. C’est un des gros problèmes des négociations. Francophones et Flamands s’opposent sur cette question. Côté flamand, les sociaux-chrétiens et les libéraux auraient facilement l’appui des socialistes et des écolos. Cela ne ferait pas tout à fait les deux tiers, mais on n’en serait pas très loin. Il faudrait alors juste quelques voix de plus du côté francophone. Mais, pour les francophones, et surtout pour le CDHCentre démocrate humaniste, anciennement Parti social chrétien (PSC), il faut équilibrer les deux tiers entre les deux parties du pays. Cela, pour éviter que les réformes ne se fassent pas sur le dos des francophones. C’est là qu’Ecoloen Belgique, le parti des écologistes francophones et son équivalent flamand, GroenEcologistes flamands. Groen veut dire vert., entrent dans le jeu. Les verts ont aussi obtenu un bon résultat aux élections. Les verts flamands et francophones pourraient faire passer certaines de leurs propres revendications. Et en échange, ils s’engageraient dans le futur gouvernement et voteraient certaines réformes. Alors, il ne faudrait vraiment plus grand-chose pour atteindre ces fameux deux tiers. L’orange bleue deviendrait ainsi la « jamaïcaine », à cause de la couleur verte qui viendrait se rajouter. C’est une piste qui ne manque pas d’intérêt. A suivre…
Marc Vandermeir